École privée : partenaire de la gauche comme
de la droite
Dans un entretien au Monde de l'éducation, Ségolène Royal dit vouloir
« intégrer le privé à la réflexion sur la lutte contre l'échec scolaire », au
nom de la justice pour l'école
publique qui est obligée d'accueillir tous les élèves, alors que la plupart des
établissements privés les choisissent et évitent les cas difficiles.
Il y a un peu plus d'un mois, Nicolas Sarkozy déclarait lui aussi : « Je veux
que soit reconnue l'utilité sociale de l'enseignement privé, en lui permettant
d'ouvrir des établissements y compris dans les quartiers où s'accumulent tant de
difficultés. »
Quant à Bayrou, il « n'oppose pas école privée et publique », toutes deux
« utiles à la France, aux familles ». Et surtout, dans ce domaine, il a laissé
un souvenir mémorable. Il fut en effet ministre de l'Éducation dans le
gouvernement Balladur dont le porte-parole était à l'époque un certain Nicolas
Sarkozy. C'est ce gouvernement qui tenta en 1994 de faire financer, sur les
fonds des collectivités locales, les locaux des écoles et lycées privés. Cette révision
de la loi Falloux, qui régit l'enseignement privé, tomba dans les oubliettes
après avoir déclenché de gigantesques manifestations de protestation.
On voit aujourd'hui une belle unanimité chez tous ces candidats en ce qui
concerne l'enseignement privé, ou plutôt confessionnel, car il est à 95 %
catholique. Il est tout naturellement défendu par la droite, à l'électorat
conformiste et bien-pensant. Mais il n'est absolument pas remis en cause par la
gauche. Ce n'est pas nouveau. En 1992, c'est Jack Lang qui fit entériner un
accord avec l'enseignement privé pour autoriser un financement des écoles par le département. Quant à
Rocard, ministre de l'Agriculture en 1984, il avait fait adopter une loi
autorisant le financement des établissements agricoles privés sur les fonds de
l'État.
Ségolène Royal n'innove donc pas : en présentant sa proposition comme une
façon de rétablir l'équilibre entre le public et le privé, elle espère peut-être
avoir l'assentiment d'un certain nombre d'enseignants qui déplorent la fuite de
leurs « bons élèves » vers l'école privée. Elle espère peut-être aussi, du
même coup, récupérer des voix qui auraient tendance à s'égarer du côté de
Bayrou. Mais surtout, elle va dans le sens du désengagement de l'État dans les
services publics.
Si l'on veut remédier aux maux de l'école, la première mesure à prendre est
de réserver l'argent public à l'école publique, et de lui donner les
moyens de remplir son rôle correctement. Mais cela ne fait partie ni du
programme de la droite réactionnaire ni de celui de la gauche timorée.
Sylvie MARÉCHAL
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