Les
syndicats et les licenciements : le poison du protectionnisme
Publié le 13/11/2024
« Plus de 150 000 emplois vont
disparaître… nous sommes au début d’une saignée industrielle » a
dénoncé Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, devant les travailleurs de
Michelin à Vannes et dans plusieurs médias.
La CGT a recensé près de 200
plans sociaux en cours dans de multiples secteurs, de la chimie à la grande
distribution en passant par l’automobile et le BTP. Les ministres comme les cabinets
d’experts ont confirmé ces chiffres dont bien des travailleurs voient les
effets dans leurs villes ou leurs régions. Pour expliquer cette saignée, Sophie
Binet dénonce les dirigeants d’entreprises dont le seul objectif consiste à «
augmenter leurs marges » et à « distribuer toujours plus de profits aux
actionnaires ». De fait, la classe patronale n’a jamais eu, à aucune
époque, d’autres objectifs que de faire le maximum de profits.
Pourtant la CGT laisse entendre
qu’il pourrait en être autrement. L’Adresse de son dernier CCN, les 5 et
6 novembre, réclame « une autre politique industrielle » et demande
aux parlementaires de « déposer une proposition de loi reprenant nos
propositions pour l’industrie et l’environnement ». Qu’est-ce que cela
signifie concrètement ? Binet a donné une réponse à la Tribune dimanche le
10 novembre : « les patrons de l’automobile fabriquent des véhicules
électriques très chers alors qu’ils pourraient en produire de beaucoup moins
chers qui se vendraient mieux »… Comme si les PDG de Stellantis et de
Renault, prêts à tout pour dégager des milliards, avaient besoin de la
conseillère commerciale Sophie Binet pour définir leurs stratégies !
Les syndicats dénoncent, à juste
titre, les milliards d’euros d’aides publiques versés à des entreprises
richissimes qui licencient, comme Michelin ou Sanofi. Marylise Léon, de la
CFDT, trouve « lunaire que l’État ne sache pas à quoi servent les aides qui
sont attribuées » tandis que Sophie Binet réclame « qu’une entreprise ne
puisse pas toucher des aides si les représentants des salariés n’y sont pas
favorables ». Elle fustige encore « le naufrage de la politique de
l’offre de Macron ». Mais quelle que soit la couleur politique des
gouvernements, le budget de l’État est conçu avant tout pour arroser les
capitalistes. S’étonner que ces versements se fassent sans contrôle, dénoncer
le seul Macron, laisser entendre qu’un autre gouvernement, en particulier s’il
était de gauche, mènerait une autre politique, c’est mentir aux travailleurs et
les livrer à de faux amis.
Mais il y a pire. Prenant la
parole près de Grenoble devant l’usine Vencorex menacée de fermeture, Sophie
Binet a repris le discours ambiant contre la concurrence étrangère et en
particulier chinoise : « Les Chinois ont besoin d’avoir accès au marché
européen pour récupérer les certifications. On a laissé grand ouvert notre
continent, notre pays […] on a laissé entrer le loup dans la bergerie,
on a laissé s’installer la concurrence internationale… » Ce discours
protectionniste aurait pu être prononcé par bien des politiciens, de Ruffin à
Bardella. Outre sa tonalité nationaliste anti-chinoise, choquante et teintée de
mépris, il revient à lier les intérêts des travailleurs à ceux de leur patron
alors que tout les oppose.
Les travailleurs ne peuvent
attendre aucune protection venant du gouvernement comme le réclament les
syndicats. Ils ne peuvent compter que sur leurs propres forces pour imposer
leur droit à l’existence et obliger les capitalistes à prendre sur leurs
profits.
Xavier Lachau (Lutte ouvrière
n°2937)