Une très bonne lecture de roman et de réflexion
Il a fallu que le livre paraisse en
livre de poche à prix abordable (9,90 euros) pour que je découvre le roman
« Leurs enfants après eux », de Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2018.
Voilà
un livre excellemment mais simplement écrit qui parle d’adolescents et de leurs
parents de notre temps. Certes, nous sommes durant la décennie 1990, dans une
région que les fermetures d’une partie importante de la sidérurgie lorraine viennent de
brutaliser, même si le Luxemburg et ses emplois ne sont pas loin. Les décennies
qui suivront ne feront que faire perdurer, voire aggraver, les difficultés du
cadre social et régional posé.
Nous
retrouvons dans le roman les adolescents et leurs parents, de différents milieu
sociaux de la petite ville, milieux que nous connaissons, également ici. Ces
adolescents portent en eux tous les possibles, et même si les voies empruntées
de la petite délinquance pour certains ne les aident pas, rien n’est forcément déterminé
pour eux. Ils peuvent connaître bien des carrefours, emprunter nombre de
bifurcations de vie, et des plus favorables. Leurs parents sont également ceux
que nous connaissons, avec une vie qui ne fait guère de cadeaux lorsqu’on la
laisse filer, surtout pour ces parents des milieux populaires. Et il faut
seulement avoir en tête que les enfants d’hier sont les parents d’aujourd’hui,
et ces derniers portent les enfants de demain, dans une continuité qui peut
être grise. Entre les générations, le fil continue, et quand il est fragile,
cela n’aide pas à résoudre les difficultés, et à trouver sa voie.
Le
roman a une autre grande qualité. Celle de nous indiquer avec finesse
qu’adolescents ou pas, il n’est pas facile de transcender les barrières sociales
pour se comprendre et se rapprocher, même lorsque les milieux sociaux ne sont pas très éloignés.
Certes,
on ne peut pas dire que le roman explose de joie. Mais la justesse de son
propos est en soi une grande satisfaction de lecture.
Il
manque donc un ingrédient essentiel dans cette photographie sociale qui sonne
très juste, celle d’un mouvement ouvrier dont on ne voit pratiquement
aucune trace, qui dans bien des régions s’est effectivement considérablement
affaibli, et qu’il s’agit justement de reconstruire. DM