Mais hier, une première riposte de taille
Retraites : longue offensive contre les
travailleurs
11
Septembre 2019
L’attaque
en cours contre les retraites n’est pas une nouveauté. Aujourd’hui, Macron et
les siens essaient, comme à chaque fois dans le passé, de cacher l’importance
de cette remise en cause des droits des travailleurs derrière les mots de
justice et d’équité.
En
fait, cette vague d’attaques sur les retraites a véritablement commencé il y a
trente ans, sous le gouvernement socialiste de Rocard, alors que Mitterrand
était président de la République. Le système en place pour les millions de
salariés du privé n’était certes pas idéal, il comportait depuis sa naissance
des injustices criantes, laissant toute une partie des travailleurs, et tout
particulièrement les travailleuses, avec une retraite misérable au bout d’une
vie d’exploitation. Même dans le secteur public, les salariés des catégories
les moins payées se retrouvaient avec une retraite bien faible. Mais cela
n’allait nullement s’améliorer.
Du Livre
blanc de Rocard à Balladur
Mais,
avec la crise du système capitaliste, tous les gouvernements ont cherché le
moyen de récupérer l’argent public des impôts et celui versé par les
travailleurs pour assurer leurs vieux jours, pour le diriger vers les comptes
en banque du patronat par les biais les plus divers. Ils ont aussi diminué les
cotisations dites patronales, qui ne sont en fait que du salaire différé, et
considéré comme tel dans la comptabilité des entreprises. Michel Rocard prépara
une attaque d’ampleur contre les retraites, en mettant sur pied en 1991 ce
qu’il appela Le Livre blanc des retraites. Après qu’il a été débarqué de
son poste et que la gauche a été renvoyée dans l’opposition, Balladur, Premier
ministre de la majorité de droite, a mis en application ce programme propatronal
dès son investiture en 1993. Cela eut des effets dévastateurs pour des millions
de salariés.
Jusque-là,
la retraite Sécurité sociale, qui représentait les trois quarts de celle des
salariés du privé, le quart restant étant constitué des retraites complémentaires
calculées par points, assurait au total à ceux qui avaient eu une carrière
complète une retraite proche du salaire touché. La réforme Balladur, étalée sur
une vingtaine d’années, allait faire baisser fortement le montant des
retraites. Au lieu du calcul sur les dix meilleures années avec 37,5 années de
cotisations, il fallait avoir cumulé 40 ans de cotisations pour toucher une
retraite calculée sur les 25 meilleures années. Pire, les cotisations versées
au cours de ces années ne furent plus revalorisées en fonction de l’évolution
du salaire moyen, mais de la hausse officielle des prix. Cette mesure a réussi
à faire baisser les retraites de plus de 30 %.
À peine
cette remise en cause entérinée, Juppé, qui avait pris la succession de
Balladur en 1995, sous la présidence Chirac, voulut mettre le secteur public au
même traitement. La grève générale des cheminots et les manifestations massives
de novembre-décembre 1995, regroupant des centaines de milliers de
manifestants, firent capoter la partie du projet sur les retraites du secteur
public ou para-public.
Continuité
gauche-droite
La
gauche unie (PS-PC-Verts), revenue au gouvernement en 1997 avec Jospin, se
garda bien de remettre en cause les réformes Balladur sur les retraites.
Mauroy, ancien Premier ministre socialiste, prépara à son tour une nouvelle
« grande réforme des retraites ». Puis, Jospin parti, il revint au
ministre Fillon de mettre en application en 2003 ce qui avait été préparé par
la gauche. Sarkozy mit ensuite en place la retraite à 62 ans, en lieu et place
des 60 ans. Après 2012, ce fut Hollande qui joua sur le temps de cotisation et
qui bloqua la revalorisation des retraites. Le patronat s’attaqua alors aux
retraites complémentaires, gérées paritairement avec les syndicats, bloquant
leur revalorisation et instituant une pénalité pour les retraites prises à
l’âge légal de 62 ans.
Aujourd’hui,
Macron voudrait continuer sur cette voie en portant un nouveau coup aux
travailleurs du privé et du public, dans une réforme qu’il dit historique.
Le
patronat est insatiable dans son désir de réduire les droits des salariés et de
récupérer tout ce qu’il peut, quelles qu’en soient les conséquences pour le
monde du travail.
Les
reculs imposés sur les retraites sont ainsi le reflet du rapport de forces
entre la classe ouvrière et des capitalistes décidés à ne faire aucun cadeau.
Inverser le cours des choses ne sera possible qu’en retrouvant véritablement la
voie de la lutte de classe. Le plus tôt sera le mieux et, dans le cours de
cette lutte, il faudra savoir renouer avec les revendications passées de la
classe ouvrière combattante, qui affirmaient que c’est à la classe capitaliste,
et à elle seule, de financer une retraite décente à tous les travailleurs qui
ont vécu une vie d’exploitation.
Paul SOREL (Lutte ouvrière n°2667)