La manifestation du
2 novembre à Quimper : colère des manifestants, ambiguïtés des
organisateurs
Les chiffres avancés,
15 000 ou 30 000, soulignent qu'il y avait beaucoup de monde à la
manifestation de Quimper du 2 novembre dont le caractère populaire était
indéniable. Les discours des organisateurs, relayés par la puissante
installation sono gracieusement offerte par un patron, proclamaient la volonté
de « vivre, travailler et décider au pays ».
Du côté des manifestants
Ils étaient venus en petits
groupes ou en famille et peu de chose les distinguait les uns des autres. Seuls
ceux de Marine-Harvest qui portaient des tee-shirts jaunes étaient clairement
identifiables.
Il y avait des artisans venus
avec leurs salariés, des routiers, des éleveurs, des salariés de divers
secteurs, des chômeurs, des retraités. Une restauratrice expliquait qu'elle
était là par solidarité avec les salariés licenciés. Un éleveur de poulets
estimait être dans la même galère que les salariés. À un collègue qui pensait
que Tilly-Sabco se serait mieux porté s'il avait été choisi pour reprendre
Doux, il répondait que tous ne s'intéressent qu'à leur profit.
Parmi les rares banderoles,
aucune ne s'en prenait aux licencieurs. À peine pouvait-on trouver
« défendons les emplois ». Les drapeaux de FO étaient largement
supplantés par une profusion de drapeaux bretons.
Du côté des organisateurs
Avant que ne démarre le défilé,
Christian Troadec, le maire de Carhaix, s'est chargé d'organiser les prises de
paroles. Sans jamais dénoncer les licencieurs, il s'est félicité d'avoir pu
fédérer toutes les bonnes volontés pour que « la Bretagne » puisse
mieux défendre l'emploi.
Les responsables du Medef et de
la chambre de commerce, ceux des groupes agroalimentaires et de la grande
distribution avaient choisi de ne pas s'afficher et de laisser le responsable
de la FDSEA et divers porte-parole des petites entreprises occuper le devant de
la scène.
Tous se félicitaient de cette
union « au-delà des clivages partisans » et se présentaient comme les
authentiques « acteurs de l'économie », à même de créer des emplois
pour peu qu'on les laisse travailler. Les salariés menacés étaient cités, mais
comme victimes de l'incurie des technocrates de Paris, et non de l'avidité de
leurs exploiteurs. Pèle-mêle, ont été dénoncés, l'écotaxe, mais aussi la
concurrence étrangère, les « charges » qui « pèsent sur le coût
du travail », les délais pour l'obtention des permis de construire, la
prolifération des normes écologiques ou sanitaires.
Au bout du compte, la voix des
salariés victimes de licenciements n'était guère audible. Le porte-parole de
Gad a pu affirmer que, quelle que soit la situation économique, les emplois
devaient être garantis. Le groupe Marine-Harvest a été clairement dénoncé en
même temps que l'emprise de la finance sur l'économie. Quant au porte-parole
des salariés de Tilly-Sabco, venus à la manifestation dans des cars affrétés
par leur patron, il a fait le vœu qu'ils ne soient pas demain abandonnés par
tous.
La représentante de FO a
assorti sa dénonciation des licencieurs et du gouvernement, qui leur laisse
toute latitude d'agir à leur guise, de critiques contre l'Europe et le dumping
social. Tout en s'affirmant solidaire de la lutte contre l'écotaxe, elle a
expliqué que l'exigence à faire valoir pour les salariés était que l'emploi
soit garanti et les licenciements interdits, quitte au besoin à nationaliser
les entreprises défaillantes.
De nombreux travailleurs
étaient en tout cas présents dans la manifestation, inquiets pour leur emploi,
cherchant une réponse à leurs problèmes. Ils voulaient manifester leur colère
et avaient choisi de le faire là où cela leur semblait possible. Reste que
l'issue n'est certainement pas dans une opération politique visant à présenter
tout le problème comme un problème « breton », comme s'il n'y avait
pas des patrons licencieurs et des ouvriers licenciés, bretons ou non, par ces
mêmes patrons. Et comme si la crise et la façon dont les travailleurs la payent
étaient une situation spécifiquement bretonne.
Correspondant LO
La manifestation à Carhaix
La CGT Bretagne, suivie de la
FSU et Solidaires, a décidé le 30 octobre d'appeler à une manifestation à
Carhaix le 2 novembre, au même moment que celle de Quimper. La raison
était de ne pas mélanger les revendications des salariés avec celles des
patrons bretons... mais il est aussi évident que la CGT ne voulait pas
participer à une manifestation de Quimper jugée trop antigouvernementale.
La manifestation a rassemblé
1 400 personnes, essentiellement du milieu CGT. Il y avait des
délégations de salariés de Marine-Harvest et de Tilly-Sabco. Le Parti
communiste, derrière la banderole du Front de gauche « l'humain
d'abord », assurait la plus forte présence politique. Il y avait aussi un
cortège d'Europe Écologie-Les Verts (EELV), qui avaient évidemment choisi Carhaix
en tant que défenseurs de l'écotaxe.
Lutte Ouvrière a participé à
cette manifestation avec le souci de dénoncer, bien sûr, le patronat, mais
aussi le gouvernement à son service, avec des slogans sur pancartes :
« Non à l'écotaxe, qui
frappe surtout les petits. Faire payer sur leurs profits les grandes
entreprises du transport, de l'agroalimentaire et de la
distribution » ;
« La seule fiscalité
juste, c'est la suppression des impôts indirects et le paiement de l'impôt sur
les seuls revenus du capital ». ;
« Licenciements : le
gouvernement laisse faire et aide le grand patronat dans son offensive contre
les travailleurs. Ne comptons que sur nos luttes ! »
« Contre le chômage, une
seule solution : interdiction des licenciements, répartition du travail
entre tous avec maintien du salaire ».
Bien des manifestants étaient
curieux de lire ces slogans ainsi que le tract distribué.
C'était aussi l'occasion de
discuter avec certains militants, désorientés « de voir des ouvriers
derrière leurs patrons », de la nécessité de défendre une politique
indépendante pour les travailleurs.
Correspondant LO