Qatar :
des milliards de dollars et le désert autour
16 Novembre 2022
Le choix du Qatar pour la Coupe
du monde de football 2022 a montré combien cette monarchie pétrolière, tout comme
celles du Bahreïn voisin ou d’Abou Dhabi, est courtisée par les chefs d’État
occidentaux et des institutions comme la FIFA, intéressés avant tout par les
financements qu’ils peuvent en obtenir.
À longueur de reportages, ces
États sont présentés comme des puissances émergentes. Mais si leurs richesses
remplissent les coffres-forts des dynasties au pouvoir, elles enrichissent
davantage encore les multinationales occidentales. Ces créations
artificielles de l’impérialisme ont même été étudiées pour.
La région située entre la mer
Rouge et le golfe Arabo-Persique est en effet divisée en un grand nombre de
très petits États. Le Qatar est d’une taille comparable à la Corse. Il compte
trois millions d’habitants avec les travailleurs immigrés, les Qataris, tous
issus de riches familles, ne formant que moins de 10 % de la population.
De même, les Émirats arabes unis voisins constituent une fédération de sept
petits États, comme Dubaï ou Abou Dhabi. Le Bahreïn, situé sur un archipel du
golfe Persique, est un micro État dont la superficie totale est de seulement
778 km². Cette division en minuscules États, tous dirigés par des monarchies
moyenâgeuses, a été l’œuvre de l’impérialisme anglais qui s’est installé dans
ce qui était auparavant des provinces reculées de l’Empire ottoman n’ayant
aucune vocation à une existence nationale indépendante, avant de les façonner
en fonction de ses intérêts. Mais avec la découverte, puis l’exploitation du
pétrole, cette région, comme l’ensemble du Moyen-Orient, a aiguisé de plus en
plus les appétits occidentaux. À la chute de l’Empire ottoman, l’impérialisme
anglais et l’impérialisme français se partagèrent le Proche-Orient. Dans le
cadre du plan dit Sykes-Picot, la France s’appropriait la Syrie et le Liban
tandis que les Britanniques dominaient l’Irak, la Jordanie et la Palestine à
quoi s’ajoutaient l’Égypte et aussi la côte occidentale du golfe
Arabo-Persique.
Dans les années 1930 et 1940, on
découvrit partout dans cette région d’énormes gisements de pétrole. Ce fut le
cas au Qatar, tout comme à Bahreïn en 1932, puis au Koweït – une création tout
aussi artificielle arrachée au territoire irakien – en 1938. Les concessions
vinrent enrichir les compagnies britanniques.
Puis l’impérialisme américain
supplanta progressivement les autres impérialismes pour exploiter l’or noir
pour le compte de ses multinationales. En 1945, Roosevelt signait avec Ibn
Saoud, roi d’Arabie saoudite, le pacte du Quincy qui donnait aux États-Unis un
accès aux richesses pétrolières durant soixante années. Ce pacte s’étendit
ensuite aux monarchies riveraines du Golfe.
La découverte, il y a une
cinquantaine d’années, du gigantesque gisement gazier de North Field (qui
représenterait 13 % des réserves de la planète), dont le Qatar partage
l’exploitation avec l’Iran voisin, a fait de l’émirat un des tout premiers
producteurs et exportateurs de gaz au monde (notamment du gaz naturel liquéfié,
le GNL). Autant dire que l’intérêt des capitalistes, des marchands d’armes et
combinards en tout genre pour les revenus du Qatar a considérablement augmenté.
Cela vaut bien de la part des dirigeants du monde quelques courbettes lors de
ballets diplomatiques, des financements divers et, en pourboire, l’organisation
d’une Coupe du monde.
C’est ainsi que les énormes
revenus du pétrole ont pu enrichir non seulement les multinationales mais
quelques grandes familles des monarchies du Golfe, fort attentives à ne pas
augmenter le nombre de titulaires de leur nationalité. Ces revenus qui, dans le
cadre d’un Moyen-Orient unifié, auraient pu bénéficier à l’ensemble de sa
population, n’ont ainsi enrichi qu’une petite couche de richards, dont les
investissements sont retournés vers les banques ou les grandes sociétés des
pays occidentaux, sans contribuer le moins du monde au développement d’une
région qui pourtant en aurait eu bien besoin. Les grands hôtels, poussés comme
des champignons sur les rives du Golfe et où vient s’agglutiner la jet-set,
n’ont évidemment aucun intérêt pour les peuples de la zone moyen-orientale.
Aline
RETESSE (Lutte ouvrière n°2833)