dimanche 8 juin 2014

Commémoration du 6 juin 1944 : leur lecture et la nôtre



Ces derniers jours, la commémoration « people » du 70ème anniversaire du débarquement de Normandie a surchargé les écrans et les ondes pour ceux qui sont friands de ce genre de choses. Pour revenir aux réalités effroyables du XXème siècle, il est bon de lire l’article de notre hebdomadaire de cette semaine. Un roman « Les Croisés » de Stefan Heym (éditions Les bons caractères) peut aider à remettre les pendules à l’heure.

La commémoration du 6 juin 1944 : 70 ans de guerres qui ont ensanglanté la planète

Vendredi 6 juin, Hollande s'apprêtait à recevoir le gratin des chefs d'État et de gouvernement pour fêter l'anniversaire du débarquement des forces alliées de 1944 en Normandie. D'Obama à la reine d'Angleterre, en passant par Poutine et Angela Merkel, tous ces invités du président français se félicitent de la paix qui règne entre leurs différents pays depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, passant sur les rivalités qui continuent de les opposer et les guerres qu'elles suscitent aux quatre coins du monde.
Le débarquement du 6 juin est souvent présenté comme le tournant décisif de l'histoire de la guerre, voire comme un tournant de l'histoire tout court. Avec le début de la défaite de l'armée allemande, il marquerait même le début de l'ère de paix apportée au monde par la victoire alliée.
Mais le débarquement du 6 juin 1944 fut d'abord une boucherie pour les soldats. La stratégie des généraux alliés était d'ailleurs assez simple : il leur fallait être capables de débarquer sur les plages de Normandie plus d'hommes que ce que l'armée allemande était capable d'en tuer. Il y eut en quelques heures des milliers de morts tant du côté allié que du côté allemand. La population civile, elle aussi, compta des milliers de morts dus aux bombardements sur les villes normandes, dont beaucoup furent détruites en quelques minutes.
Quant à dire que le 6 juin 1944 aurait marqué le début de l'inversion du rapport des forces militaires avec l'Allemagne, plutôt que la victoire de Stalingrad en URSS un an et demi auparavant, sur le front oriental, cela est surtout affaire de propagande. Pour présenter les États-Unis, le Royaume-Uni et accessoirement la France comme des puissances libératrices, il vaut mieux prendre une victoire militaire anglo-américaine comme référence qu'une victoire de l'Armée rouge, même si ce n'est qu'une partie de la vérité historique.
En tout cas, les chefs d'État des puissances impérialistes, qui prétendent célébrer la paix, ne feront pas oublier que leurs armées n'ont cessé d'intervenir aux quatre coins de la planète depuis 70 ans, notamment lors des guerres de décolonisation. Et même quand ils ne sont pas intervenus militairement directement, c'est la défense de leurs intérêts de grandes puissances qui a bien souvent été à la cause de guerres terriblement meurtrières comme en Afrique, en Asie et même en Europe.
À ces cérémonies du 6 juin, le président russe Poutine et le président ukrainien fraîchement élu Porochenko seront tous deux présents, invités par Hollande, illustrant parfaitement l'hypocrisie de cette grande messe. Pendant qu'en Normandie les chefs d'État se réunissent pour vanter leur paix, à l'autre bout de l'Europe, en Ukraine, leurs rivalités et leurs ingérences entraînent de plus en plus la population dans le chaos de la guerre.
                                                                   Pierre Royan

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