jeudi 31 décembre 2020

Naissance du Parti communiste en France, un article de notre hebdomadaire Lutte ouvrière

 Décembre 1920 : la naissance du Parti communiste

29 Décembre 2020

Fin décembre 1920 à Tours, le congrès du Parti socialiste décidait par 3 028 mandats contre 1 022 l’adhésion à la IIIe Internationale créée en mars 1919 à l’initiative des bolcheviks. La majorité formait alors la Section française de l’internationale communiste (SFIC), qui prit peu de temps après le nom de Parti communiste, tandis que la minorité scissionnait et continuait l’ancienne SFIO.

L’Internationale communiste et sa section française étaient nées de la vague révolutionnaire commencée dans les tranchées et les usines de l’Europe en guerre, concrétisée en octobre 1917 par la victoire des ouvriers en Russie et prolongée par une série de révolutions prolétariennes embrasant l’Europe. Pour les révolutionnaires russes, ses initiateurs, elle devait être le parti mondial de la révolution. Mais, même en période de révolution, la constitution d’un parti révolutionnaire n’est pas chose facile, notamment parce que, en France comme ailleurs, la voie était obstruée par les appareils des vieilles organisations faillies, la SFIO et la CGT.

Lors de la déclaration de guerre en août 1914, comme la plupart des représentants de la Deuxième Internationale, les dirigeants du Parti socialiste SFIO et ceux de la CGT avaient sombré dans le patriotisme et l’Union sacrée, reniant tous les engagements pris lors des congrès internationaux.

Fernand Loriot et Louise Saumoneau avaient incarné le courant internationaliste dans le Parti socialiste au déclenchement de la guerre. Mais l’âme en fut le noyau de militants syndicalistes révolutionnaires de la CGT regroupés autour de Pierre Monatte et Alfred Rosmer, qui éditaient La Vie ouvrière.

Ces militants ouvriers furent les propagandistes des conférences de Zimmerwald et de Kienthal, qui avaient réuni en Suisse des opposants à la guerre. Ils mirent sur pied, avec l’aide de Trotsky alors exilé en France, le Comité pour la reprise des relations internationales (CRRI).

Au sein de la SFIO, sentant monter l’opposition à la guerre, certains sociaux-chauvins comme Longuet firent mine de réclamer la paix tout en continuant de voter les crédits de guerre. Fin 1916, au congrès de la SFlO, trois courants étaient représentés : les zimmerwaldiens avec Loriot étaient très minoritaires. Quatre ans plus tard, lors du congrès de Tours, le rapport de force était totalement inversé.

En France comme ailleurs, l’année 1917 vit éclater les mutineries sur le front et de nombreuses grèves à l’arrière. La fin de la guerre ne mit pas fin à l’agitation, bien au contraire. La montée révolutionnaire en Europe toucha la France. La CGT voyait ses effectifs atteindre 1,2 million d’adhérents, quatre fois plus qu’en 1913. Des soldats révoltés par la guerre adhéraient en masse à la SFIO, parti traditionnel de la classe ouvrière et le seul dans lequel une opposition à la guerre et à ses conséquences se manifestait. Des groupes enthousiastes de grévistes et de militants des organisations ouvrières se formaient dans tout le pays.

Dans ces circonstances, Trotsky et la nouvelle Internationale pressaient les révolutionnaires de constituer immédiatement un parti communiste. Il s’agissait, écrivait celui-ci en novembre 1919, « de construire une organisation pratiquement toute neuve en assurant simultanément la direction du mouvement de grève », de « faire preuve d’indépendance devant les masses ». Il ajoutait que défendre l’unité du Parti socialiste équivalait à trahir la révolution. Trotsky militait pour que le noyau syndicaliste révolutionnaire formé autour de Monatte et Rosmer, renforcé par les quelques révolutionnaires authentiques venus des rangs de la SFIO, se constitue en parti, afin en particulier d’attirer à lui les militants ouvriers à l’avant-garde des grèves.

Les années 1919 et 1920 virent en effet exploser une vague de grèves d’une ampleur alors inconnue. La direction réformiste de la CGT réussit à manœuvrer et à saboter le mouvement gréviste, en particulier la grande grève des cheminots de 1920 à l’issue de laquelle 18 000 d’entre eux furent révoqués. Le gouvernement fit emprisonner Monatte, Loriot et Souvarine pendant neuf mois. Le comité de la IIIe Internationale (C3I), successeur en 1919 du CRRI, n’en continuait pas moins à s’élargir, comptant déjà 10 000 membres en octobre 1919 et obtenant 43 % des voix au congrès de la SFIO à Strasbourg en février 1920. Mais il ne se distinguait toujours pas clairement ni de la vieille SFIO ni de la direction confédérale de la CGT. L’attachement au maintien de l’unité favorisait toutes les manœuvres des bureaucrates. En effet, devant la poussée à gauche, une grande partie de l’appareil de la SFIO n’écartait pas la possibilité d’une adhésion à la IIIe Internationale afin de conserver sa mainmise sur le parti. Mais pour cette fraction, il s’agissait tout au plus de changer d’enseigne en conservant le même appareil.

Ainsi Marcel Cachin avait été, durant toute la guerre, un social-patriote acharné, mais il choisit par calcul, avec Louis-Oscar Frossard, de se ranger dans le camp des révolutionnaires lorsque le congrès extraordinaire fut organisé à Tours. Ils endossèrent la motion d’adhésion à l’IC rédigée par Souvarine et ­Loriot depuis leur prison. Longuet lui-même louvoyait, présentant une « motion d’adhésion avec réserves » au vote des militants.

À l’issue du congrès, le jeune Parti communiste rassemblait 110 000 des 170 000 adhérents, donc la majorité, de l’ancienne SFIO. Mais il restait du chemin à faire pour qu’il devienne un véritable parti révolutionnaire. À côté des éléments réellement révolutionnaires, il pouvait offrir un cadre pour le recyclage d’éléments du vieux Parti socialiste compromis dans l’Union sacrée et les manœuvres politiciennes. Un certain nombre de syndicalistes révolutionnaires, Rosmer au premier chef, entrèrent malgré tout au PC pour travailler à le transformer. Trotsky eut bien des difficultés à convaincre ­Monatte de prendre place à sa direction en 1923, après que le parti eut exclu ses carriéristes les plus voyants. Cette direction révolutionnaire de 1923, avec Rosmer, ­Monatte et Souvarine, fut de courte durée : dès l’année suivante, avec le reflux de la vague révolutionnaire, la réaction stalinienne se renforçait en URSS et transformait l’Internationale Communiste en outil servile de la bureaucratie soviétique. Les cadres révolutionnaires en furent chassés en France comme ailleurs et les staliniens en herbe surent parfaitement s’appuyer sur les vieux réformistes usés par les compromissions. En tant que parti révolutionnaire du prolétariat le Parti communiste devait ainsi mourir avant d’avoir vraiment vécu.

Cent ans après il reste le programme, le drapeau, les leçons de la vague révolutionnaire et de la naissance de l’État ouvrier russe, les conseils de l’Internationale sur « la nécessaire indépendance devant les masses » même pour un groupe minoritaire. Ce patrimoine politique, seuls des militants trotskystes ont pu le conserver et pourront le transmettre pour construire les partis communistes et l’internationale, aujourd’hui plus que jamais nécessaires.

Christian BERNAC (Lutte ouvrière n°2735)

mercredi 30 décembre 2020

Frontière Grande-Bretagne- Union européenne : les travailleurs, eux, n’ont pas de patrie

 

Prolétaires de tous les pays, unissons-nous !

Des milliers de camionneurs bloqués entre Douvres et Calais

Le laborieux accord entre l’Union européenne et la Grande-Bretagne entrera en application ce 1er janvier. Affairistes et capitalistes de tout poil peuvent s’estimer satisfaits : une zone sans quotas ni droits de douane sera maintenue pour un temps. Par contre, il faudra désormais un visa et bien des complications administratives pour passer d’un côté ou de l’autre de la Manche. Cela ne protégera pas les travailleurs de Grande-Bretagne de la misère, du chômage et de la rapacité des capitalistes, et ce Brexit ne profitera en rien non plus aux travailleurs du continent.

Face au poison du nationalisme, une seule réponse : par-delà les frontières, travailleurs de tous les pays unissons-nous ! 

 

Avec la nouvelle interface de Blogspot, malgré mes paramètres, il arrive que mes 5 articles du jour apparaissent sur deux pages voire sur trois pages. Pour lire les 5 articles, cliquez en bas de la première page sur « articles plus anciens). DM

Macron : la pêche aux voix dans le marécage de l’extrême-droite

 Les amis de mes amis...

29 Décembre 2020

Les médias ont révélé que Bruno Roger-Petit avait, en octobre, invité au restaurant Marion Maréchal, la nièce de Marine Le Pen. Il voulait la consulter à titre tout à fait personnel, a-t-il déclaré, pour savoir si « elle était en résonnance avec l’état de l’opinion ».

Avant d’être nommé « conseiller mémoire » de Macron, chargé entre autres d’organiser les commémorations, Roger-Petit avait été pendant pendant plus d’un an, de septembre 2017 à octobre 2018, le porte-parole et conseiller personnel du président.

Macron avait déjà montré sa bienveillance vis-à-vis du très réactionnaire de Villiers, dont le spectacle du Puy-du-Fou avait échappé aux règles du confinement. Dans une interview récente, il a multiplié les clins d’œil à l’extrême-droite : insécurité, identité nationale, référence à Charles Mauras... Tout y était ! Pour l’élection présidentielle, Macron vise les électeurs de la droite mais aussi ceux de Le Pen.

                                       Marianne LAMIRAL (Lutte ouvrière n°2735)

Elles en  pensent quoi Fiona Lazaar et Cécile Rilhac ?DM

Argenteuil, violence dangereuse des quartiers laborieux (4). Pour contrer des conditions déterminantes de nombre de parents, la faiblesse effrayante des véritables soutiens

 

Quand les difficultés sont multipliées

 

Un quartier populaire, Joliot, et pas le plus en difficulté

Ébauche pour approfondir avec Lionel et tous ceux qui le souhaitent.

Un refrain qui revient toujours dans les réflexions à propos de la montée de la violence dans les quartiers et les villes populaires concerne la responsabilité des familles. Certes, avoir des enfants engage une incontestable responsabilité. Mais ensuite, leurs conditions de vie conditionnent largement le devenir des enfants, comme chacun sait. Une réalité fondamentalement conditionnée par des différences de conditions de milieux sociaux, d’environnement spatial, et de la qualité des réseaux avec le reste de la société. Ce qui ne veut pas dire que des conditions sociales difficiles sont absolument déterminantes. Il y a tant de facteurs qui interviennent, mais le déterminisme, même s’il est relatif, existe, tant que l’environnement n’intervient pas pour, quels que soient ces facteurs, les contrer.

         Avant d’aller plus loin, l faut rappeler que la montée de la violence dans la société a de multiples niveaux et qu’elle n’est pas propre aux quartiers et aux milieux populaires. Rappelons la montée de la tension dans les rapports interindividuels que j’ai déjà évoquée, partout dans l’ensemble de la société, la dégradation du vocabulaire, l’individualisme.

         Dans les quartiers populaires, lors d’incidents, par exemple avec la police, combien de jeunes sont-ils impliqués ? Une petite minorité. Et il n’y a qu’une petite minorité de familles concernées, qui auraient simplement besoin d’une aide particulière pour surmonter la situation, et en amont, pour ne pas voir certains enfants, et certains depuis leur plus jeune âge, se marginaliser.

         Au niveau des familles elles-mêmes, il n’y a qu’une petite fraction d’entre elles qui se trouvent dans une situation de nette marginalisation. La Crise date aujourd’hui de près d’une cinquantaine d’années. Cela fait près de trois générations que pour certaines familles, cette crise a enkysté les difficultés dans les quartiers, conduisant pour certaines, les enfants devenus parents, à aggraver la spirale de la marginalisation.

         Donc, de nombreux parents font ce qu’ils peuvent pour faire face, à la dégradation de leur situation financière personnelle, pour faire face pour certains à la dislocation de la famille elle-même avec la hausse des séparations et des difficultés plurielles qu’elles entraînent, avec le recul des services publics, au recul drastique de l’École, à la grisaille des quartiers, au recul des réseaux associatifs et du mouvement ouvrier, par l’éloignement, lorsqu’il s’agit de logements dits « sociaux », du lien entre les bailleurs et les locataires, la concentration des difficultés dans des espaces séparés du reste de la société… Avec cette énumération incomplète, cela fait déjà de très nombreuses difficultés à surmonter.

         Des handicaps qu’il faut comparer, terme à terme, avec le sort d’autres catégories d’habitants plus aisés du monde du travail. À comparer de loin, car ces habitants ne se côtoient guère, ne se mélangent pas. Ils ne vivent pas dans les mêmes espaces. Loin de tous les discours sur la « mixité sociale », cette séparation n’a pas cessé de se creuser.

         En attendant, les parents font ce qu’ils peuvent. Avec leurs moyens sur différents plans, ils aident leurs enfants à trouver leur chemin. Et c’est là où, comme depuis bien longtemps, ils auraient besoin d’éléments favorables venus de l’extérieur, pour les mettre en  réseau avec l’extérieur, et les aider à surmonter leurs difficultés.

         Sur ce plan, je n’aborderai, pour terminer, seulement deux aspects essentiels. L’École des quartiers populaires et le nécessaire renforcement de maisons de quartiers dignes de ce nom, mêlant centres sociaux, services jeunesse, MJC.

         L’École des quartiers populaires devrait concentrer toutes les attentions, en particulier au niveau des effectifs, une vingtaine d’élèves maxi, à tous les niveaux, dès la maternelle. Cette École est évitée par certains habitants, lorsqu’elle pourrait être un espace de « rencontre ». Une ATSEM par classe. Un groupe d’aide dans toutes les écoles. Les moyens d’un véritable suivi sanitaire, social et psychologique des enfants. Mais surtout, l’ouverture de l’École aux parents, des contacts travaillés avec les enseignants, des associations de parents d’élèves, lieux de réflexion et de culture.

         Quelle coordination dans les quartiers de tous les acteurs ? Entre les professionnels des écoles et ceux des quartiers ? Entre les professionnels des maisons de quartier, des centres sociaux, des associations ? Quelle réflexion collective sur le sujet ?

         Sur ces plans, quelle pauvreté aujourd’hui.

         Le dernier travail de réflexion collective sur l’École à Argenteuil fut le fait d’organisations syndicales d’enseignants et de parents d’élèves. Ce furent les « Etats généraux de l’École », sans aide de la municipalité. Ils datent de 2007.

         2007, il y a 13 ans, tout un programme ? DM.

À suivre. Une calamité : la drogue