Séphora, premier groupe de parfumerie en France, s'est payé une page de
publicité dans la grande presse. Le titre en était : L'emploi menacé aux
Champs-Élysées. Il s'agissait en fait de défendre son droit à exploiter ses
salariés sept jours sur sept, jusqu'à minuit en semaine et une heure du matin le
week-end.
L'intersyndicale du commerce parisien a en effet saisi le tribunal de grande
instance de Paris, accusant à juste titre Séphora d'ouvertures nocturnes
illégales. Comme tous les capitalistes, les patrons de Séphora n'hésitent pas à
mettre les emplois en avant pour justifier leur droit à bafouer le Code du
travail. « L'obligation de fermer à 21 heures le Séphora des Champs-Élysées
menacerait plus de 45 emplois », déclarent-ils dans leur publicité.
Quand on sait que Séphora appartient au groupe de luxe LVMH, dont les ventes
ont augmenté de 22 % et les profits de 370 millions d'euros en un an, il y
aurait de quoi rire si l'emploi et les conditions de vie des salariées n'étaient
pas en jeu. Les vendeuses des Champs-Élysées mettant sur la paille Bernard
Arnault, on a du mal à y croire !
Pour en rajouter une couche, Séphora affirme que « 90 % des salariés se sont
exprimés en faveur de cette organisation et sont volontaires pour travailler
dans les conditions actuelles du magasin qui propose des rémunérations
attractives. » On peut douter du caractère spontané de cette adhésion au travail
de nuit quand on sait que, dans bien des enseignes, l'acceptation de tels
horaires est tout simplement une condition d'embauche. Quant aux « rémunérations
attractives », l'augmentation des salaires serait sans aucun doute beaucoup plus
attirante que l'obligation de travailler jusqu'à tard dans la nuit pour boucler
ses fins de mois. En début d'année, l'augmentation salariale proposée aux
salariés se réduisait à 50 centimes de plus pour l'entretien des uniformes !
Le jugement du tribunal doit être rendu jeudi 6 décembre, mais une chose est
certaine. Les grands groupes comme LVMH utilisent en permanence le chantage à
l'emploi pour faire accepter à leurs salariés la dégradation de leurs conditions
de travail et de vie. C'est inacceptable.
Daniel Mescla
Les juges viennent de donner raison à LVMH, ce qui n'est vraiment pas une surprise (DM, le 6.12)