Restrictions
d’eau : deux poids, deux mesures
17 Août 2022
Du fait de la sécheresse, de
nombreux départements sont placés en vigilance renforcée. Des arrêtés
préfectoraux interdisent ou restreignent l’usage de l’eau, en distinguant le
cas des particuliers et celui des entreprises.
Des reportages ont montré, par
exemple dans les Alpes-Maritimes, des patrouilles d’une « police de
l’environnement » vérifiant que les habitants n’arrosaient plus leurs
pelouses ou leur jardin potager, ne remplissaient plus leurs piscines privées
ou que les maires avaient bien coupé la fontaine municipale. Comme souvent, on
montre du doigt quelques « mauvais citoyens » qui gaspilleraient,
pour mieux exonérer ceux qui prélèvent massivement dans les réserves d’eau.
Car, en matière de prélèvement
d’eau, comme pour l’ensemble de la pollution, l’impact des particuliers est
faible par rapport à celui de l’agriculture et de l’industrie. Ainsi, selon les
données du ministère de la Transition énergétique, l’irrigation agricole représente
la moitié de l’eau réellement consommée chaque année en France (hors barrages
hydroélectriques et refroidissement des centrales électriques), l’industrie le
quart, et la consommation d’eau potable par les particuliers le dernier quart.
Selon les départements, la nature
des cultures et les tranches horaires, l’irrigation agricole est plus ou moins
restreinte. Mais le pompage dans les nappes phréatiques pour arroser des
hectares de maïs se poursuit dans plusieurs régions. Quant aux industriels, ils
n’ont pas d’interdiction, seulement des recommandations. Ainsi l’arrêté
préfectoral de la Loire indique que « seuls les prélèvements
indispensables dans les process de fabrication industrielle sont
autorisés », ce qui laisse toute latitude au patronat. Le préfet du
Calvados invite les entreprises à « reporter dans la mesure du possible
les travaux consommateurs d’eau » et « à privilégier la
réutilisation des eaux de pluie plutôt que l’utilisation du réseau public d’eau
potable ».Pour eux, aucune contrainte ni « police de
l’environnement » ne sont prévues.
Le cas de STMicroelectronics,
près de Grenoble, est éloquent. Cette usine qui fabrique des semiconducteurs
siphonne l’eau de la nappe phréatique au rythme de 170 litres par seconde, soit
la consommation d’une ville de 100 000 habitants. Lors de la construction
d’une nouvelle unité de fabrication, ST a refusé d’investir dans le
retraitement de l’eau qu’elle utilise déjà, préférant accroître ses
prélèvements. Une nouvelle usine étant annoncée – et financée par l’État – la
consommation d’eau du site va doubler. Pas regardant, le vice-président de la
communauté de communes du Grésivaudan a assuré qu’il garantira à ST que l’eau
continue de couler à flot malgré la sécheresse générale.
Pour arroser les capitalistes,
l’État est prêt à assécher le pays.
Xavier LACHAU (Lutte ouvrière
n°2820)