Maroc-Algérie
: des tensions entretenues par les deux régimes
17 Novembre 2021
Le 1er novembre, trois
routiers algériens qui traversaient le Sahara occidental seraient morts
victimes d’un bombardement dû à par l’armée marocaine. Cette annonce exacerbe
les tensions entre les deux pays autour de la question du Sahara occidental et
pour le rôle dirigeant dans la région.
L’escalade s’est ouverte fin 2020
lorsque Donald Trump, alors président des États-Unis, a décidé de reconnaître
la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, en échange de la
normalisation des relations entre le Maroc et Israël. Cette annonce a brisé le
statu quo et ranimé le conflit au Sahara occidental, cette ex-colonie espagnole
annexée en 1975 à 80 % par le Maroc. Pour contrôler ce territoire très
étendu, au littoral poissonneux, riche en phosphates et permettant d’accéder
par voie terrestre à ses voisins africains, le Maroc a mené la guerre au
mouvement indépendantiste sahraoui du Front Polisario, soutenu militairement
par l’Algérie. Après quinze ans de conflit, un cessez-le-feu conclu en 1991
sous l’égide de l’ONU entre le Maroc et le Polisario a débouché sur la promesse
de l’organisation d’un référendum du peuple sahraoui sur l’autodétermination,
une promesse qui ne fut jamais tenue.
Fin août, ces tensions ont
conduit l’Algérie à rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc, accusé de
complicité avec le MAK, (mouvement autonomiste kabyle) qualifié de terroriste
et rendu responsable des incendies qui ont ravagé une partie du pays. Elle
annonçait aussitôt la fermeture, fin octobre, du gazoduc alimentant l’Espagne
via le Maroc, ce qui privait celui-ci d’un accès au gaz algérien et des
redevances prélevées pour son passage.
Les populations des deux pays
paient très cher les tensions entretenues par leurs gouvernements respectifs.
Unies par la langue, la culture et de multiples liens familiaux, elles
subissent depuis des décennies la fermeture des frontières. Elles le payent
économiquement par la course à l’armement à laquelle se livrent les deux pays.
Alors qu’elles sont frappées par une crise sociale sans précédent, un chômage
de masse, une très forte inflation, des services publics qui se dégradent, une
part croissante des richesses est dilapidée dans l’achat d’armes. L’Algérie est
le plus gros acheteur d’armement en Afrique, avec 9,7 milliards de dollars en
2020. Quant au Maroc, ses dépenses d’armement ont augmenté de plus de 30 %
en 2020 par rapport à 2019. Les deux pays totaliseraient plus de 60 % des
achats d’armes en Afrique !
En Algérie, cette escalade et le
climat sécuritaire qui l’accompagne permettent au pouvoir de faire taire les
contestations. Au nom de l’unité nationale, le régime, qui a subi un mouvement
de contestation inédit, en profite pour poursuivre les arrestations
d’opposants. Le président Abdelmadjid Tebboune, qui cherche à renforcer sa
légitimité, s’en prend aux alliés du Maroc, la France, les États-Unis et
Israël, pour se poser comme cible d’une potentielle menace. Il espère ainsi
gagner des appuis dans l’opinion populaire en flattant les sentiments
anti-impérialistes existants, nourris par le chaos que provoquent les
interventions en Libye, en Syrie et au Sahel. Il veut aussi se présenter comme
le défenseur du droit des peuples à l’autodétermination pour son soutien verbal
aux peuples palestinien et sahraoui.
Pour les peuples de la région,
lutter contre l’emprise de l’impérialisme passe au contraire par le combat
commun contre leurs propres dirigeants. À une politique nationaliste qui tend à
jeter les peuples les uns contre les autres, doit s’opposer l’internationalisme
des travailleurs.
Leïla Wahda (Lutte ouvrière n°2781)