Comme
vous le savez, nous n’avons pas pu tenir le Cercle Léon Trotsky qui devait
aborder le 150ème anniversaire de la Commune de Paris. Le texte de
cet exposé intitulé « 150 ans
après, l’actualité de la Commune de Paris de 1871 »
est néanmoins disponible sur notre site lutte-ouvrière.org. Nous vous le
proposerons jour après jour en « feuilleton » le présent blog
« lo argenteuil »
Du 4
septembre 1870 au 18 mars 1871 : La
République bourgeoise
Le
gouvernement de la Défense nationale
Les
socialistes eurent alors l’impression d’assister à une réédition de la
révolution de 1848, qu’ils n’avaient pas oubliée, et ils tentèrent de s’y
opposer. En effet, ce 4 septembre 1870, des bourgeois se précipitent à l’Hôtel
de Ville, républicains de longue date pour les uns, républicains du jour pour
d’autres qui, la veille encore, étaient bonapartistes. Tous ces gens qui tergiversaient
et n’osaient pas en finir avec l’Empire, craignant l’intervention des classes
populaires, s’empressent de mettre en place un gouvernement provisoire. Ils
veulent à tout prix contrôler la situation, éviter un vide du pouvoir qui
laisserait le champ libre aux républicains les plus radicaux et aux socialistes
qui agitent les quartiers ouvriers. Il faut tenir le gouvernement, il n’est pas
question de se laisser déborder.
Mais,
face aux militants ouvriers qui envahissent eux aussi l’Hôtel de Ville et qui
ne leur font plus confiance, cette fois ils doivent batailler ferme. C’est la
cohue, on se bouscule, on s’insulte, on jette à la figure de ceux qui
brandissent un drapeau tricolore les morts de Juin 1848. On s’écharpe sur les
noms proposés pour constituer le gouvernement.
Jean-Baptiste
Clément, l’auteur du Temps des cerises, futur communard, présent ce
jour-là, écrit : « Les bourgeois
bedonnants et transpirants dissimulent leurs transes en se donnant des airs bon
enfant, ils sont d’une familiarité écœurante ! Ils
tapent à petits coups sur les épaules des ouvriers comme
s’ils caressaient les fesses de leurs chevaux ; ils
leur serrent les mains en feignant l’émotion.
Les mêmes qui ont hurlé, il y a un mois à peine : « Vive la guerre ! À Berlin ! » Les mêmes,
qui ont voté oui à tous les plébiscites et applaudi à tous les crimes
de l’Empire, vous abordent sans vous connaître et vous rudoient absolument,
comme si on avait gardé, avec eux, Napoléon III et sa bande. »
La
foule des Parisiens qui se presse n’a pas conscience de ce qui se joue. Pour
l’heure, la victoire est grisante. Clément poursuit : « Comme toujours, on
endormit la foule en lui parlant d’union en face du danger ; en
lui disant qu’il fallait agir vite ; qu’au-dessus des théories, il y avait l’honneur national ; qu’au-dessus de la République, il y avait la France ! qu’il fallait faire taire les rancunes, chasser d’abord les Prussiens, et qu’on s’entendrait
bien ensuite. » Les socialistes sont contraints de s’incliner
devant le nouveau gouvernement, qui prend le nom de gouvernement de la Défense
nationale, dirigé par un général nommé Trochu.
Le
premier souci de ce gouvernement, malgré son nom, n’est pas de reprendre la
guerre contre la Prusse, mais de mettre au pas le prolétariat parisien entré en
ébullition. Ses ministres sont soit des politiciens de longue date – plusieurs étaient déjà au gouvernement en 1848 d’ailleurs –, soit de jeunes républicains comme le
journaliste Henri Rochefort ou les avocats Jules Ferry et Léon Gambetta. Gambetta, qui s’attribue le ministère de l’Intérieur,
est alors connu comme opposant à Napoléon et très populaire à Paris. Cela ne
l’empêchera pas de qualifier, quelques mois plus tard, la Commune vaincue
d’insurrection criminelle, saluant « le dévouement et la sagesse » des conseils de
guerre qui déportent, emprisonnent et fusillent les survivants.
Cependant,
avec la République, une vie politique intense jaillit au grand jour, sous la
forme d’une floraison d’associations et de clubs où l’on discute politique, et
de journaux par centaines à Paris et en province. Les opposants de longue date
à l’Empire, plus ou moins radicaux, ont le vent en poupe. Mais il y a aussi de
plus en plus de clubs « rouges ». Marx met cependant en garde ses amis parisiens
contre la tentation d’un coup de force des socialistes impatients, dans
des circonstances aussi difficiles, alors que les Prussiens sont en passe
d’assiéger Paris. Il leur conseille plutôt de profiter de la liberté
républicaine pour « procéder méthodiquement à leur propre organisation
de classe, nous dirions aujourd’hui pour
construire un parti ouvrier capable de prendre la tête du prolétariat.
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Jean-Baptiste
Clément
(Demain,
Aux origines de la Commune, Du 4 septembre 1870 au 18 mars 1871 : La République
bourgeoise ; La Garde nationale
: le prolétariat en armes)
Le texte de cet exposé du
Cercle Léon Trotsky « 150 ans après,
l’actualité de la Commune de Paris de 1871 » vient de paraître en
brochure. 2 euros. Nous pouvons vous la transmettre. DM