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jeudi 18 avril 2019

Algérie : la pression populaire accentue la crise du régime. Un article de notre hebdomadaire Lutte ouvrière n°2646 à paraître.


Algérie : la pression populaire accentue la crise du régime

17 Avril 2019

Ravaler la façade du régime avec des anciens du clan Bouteflika, organiser des élections présidentielles le 4 juillet, voilà la transition démocratique du chef d’état-major Gaïd Salah, que tente d’imposer Bédoui, le Premier ministre. Le bras de fer entre le régime et peuple algérien continue. Celui-ci a massivement rejeté ce qui est vécu comme une nouvelle manœuvre.
La contestation s’est amplifiée durant toute la dernière semaine. Mercredi 10 avril, à l’appel de l’intersyndicale de la fonction publique, les agents des différentes administrations, hospitaliers, enseignants, ont manifesté contre Bensalah, qui assure la présidence par intérim, et aussi pour dénoncer l’usage des canons à eau et à son, ainsi que les lacrymogènes utilisés la veille contre les étudiants.
Le jeudi 11 avril, répondant à l’appel à la grève des syndicats autonomes, des cortèges de travailleurs d’entreprises publiques ont sillonné les villes du pays. Ils étaient par exemple des centaines à Boumerdès et des milliers à Bejaïa. Pour éviter les infiltrations de policiers en civil ou de voyous manipulés, les travailleurs sont de plus en plus organisés dans des cortèges d’entreprise.
Vendredi 12 avril, des millions de personnes ont crié « Bensalah, Belaïz, Bédoui, dégagez tous ! Pouvoir au peuple ! » Gaïd Salah était aussi dénoncé : « Gaïd Salah, le peuple n’est pas dupe, on a dit : vous dégagerez tous ! » ou, s’adressant aux policiers : « Pacifique, pacifique, policier enlève ta casquette et rejoins-nous ! »
Durant sept semaines, des manifestations toujours plus nombreuses se sont déroulées pacifiquement sans aucune intervention policière. Vendredi 12, il en a été ainsi dans toutes les villes du pays, sauf à Alger où la police, usant de canons à eau et de lacrymogènes, a bloqué un point précis de la manifestation : le tunnel des facultés, baptisé par les manifestants le « tunnel du hirak ». Par ailleurs, les policiers ont procédé à des arrestations de manifestants ou de militants, qui ont tous été relâchés au bout de quelques heures. Cette attitude du pouvoir tranche avec celle des semaines précédentes. Bédoui veut à tout prix imposer sa transition démocratique et tente de reprendre le terrain perdu. En provoquant les manifestants, il veut tout à la fois décourager les nombreuses familles présentes et sans doute reprendre en main une police qui semble perméable au mouvement populaire.
Les manifestants ne veulent pas céder aux provocations policières, ils tiennent au caractère pacifique du mouvement. S’organiser, se coordonner, mettre en place des vigiles, ne pas céder aux provocations, c’est ce qu’ont décidé de faire les jeunes des quartiers populaires d’Alger ainsi que les étudiants lors de leurs assemblées générales des différents campus du pays. Mardi 16 avril, ces derniers étaient de nouveau dans la rue dans tout le pays et des milliers à Alger devant la Grande Poste. Les policiers présents en masse ont cédé le terrain.
Le nouveau gouvernement et l’élection présidentielle prévue le 4 juillet sont totalement contestés. Les magistrats et les maires refusent de s’impliquer dans son organisation. Chaque sortie de ministre en province donne lieu à des protestations de la part de la population. À Alger, le ministre des Travaux publics a dû rebrousser chemin. D’autres ont été chassés par la population à Bechar. Le ministre de l’Énergie était, lui, attendu à l’aéroport de Tebessa. Complètement rejetés, ils sont contraints de se cacher et ne peuvent plus sortir de leurs bureaux.
Dans ce contexte de crise politique, Belaïz, le président du Conseil constitutionnel, vient d’annoncer sa démission. La crise politique s’accentue. Les manifestants, méfiants après toutes ces manœuvres, refusent une transition qui vienne d’en haut. Dans ces conditions, les élections présidentielles auront-elle lieu ?
En tout cas, des appels à la grève sont relayés sur les réseaux sociaux et par les syndicats autonomes.
Une manifestation était prévue mercredi 17 avril, contre le secrétaire de l’UGTA, Sidi Saïd, qui vient d’annoncer lors d’un congrès qu’il ne se représentera pas à la tête du syndicat. C’est insuffisant, disent les travailleurs, « il va placer des hommes comme lui ». Ils veulent que le syndicat leur appartienne : « On en a marre de la politique de cooptation et de désignation des représentants des travailleurs par en haut. » Les manifestations du vendredi 19 avril s’annonçaient importantes et devant constituer une nouvelle étape pour ce mouvement qui conteste tout le système politique et ne veut pas se contenter de promesses et de faux-fuyants.

                                        Leïla Wahda (Lutte ouvrière n°2646)



mardi 16 avril 2019

Algérie, Soudan : des leçons et un avertissement pour les travailleurs


Algérie, Soudan : des leçons et un avertissement pour les travailleurs

La montagne du « Grand débat » a donc accouché de la souris de quelques mesures annoncées par Macron lundi soir. Médias et politologues auront beau peser le peu qu’elles apportent aux plus démunis et en faire le centre de l’actualité, cela ne changera rien au fait que la vie devient de plus en plus difficile pour un nombre toujours plus grand d’exploités et à l’abandon croissant de tous les services qu’on dit encore publics : hôpitaux, écoles, Ehpad… Et tout cela pendant que les grandes fortunes continuent à s’accroître, au détriment des classes populaires.

Et même le peu que le pouvoir a lâché aux plus démunis ne l’a été que parce que le mouvement des gilets jaunes a témoigné de la colère de ceux qui ne possèdent pas de capitaux leur permettant de parasiter le travail de la classe ouvrière.

Ce que le mouvement de protestation a montré ici, en France, nous est montré, avec une ampleur bien plus puissante, en Algérie et au Soudan, où la vie est bien plus difficile encore pour les exploités et où aux inégalités s’ajoute une dictature ouverte : seule la réaction venue d’en bas peut faire reculer le pouvoir exercé au profit exclusif des grands possédants.

En Algérie, après des semaines de manifestations qui ont commencé en février, la population a obtenu la démission de Bouteflika, qui était au pouvoir depuis vingt ans. Le nouveau gouvernement a promis la tenue d’un scrutin présidentiel le 4 juillet prochain. Il espère ainsi canaliser l’aspiration au changement exprimée par la population et faire élire un homme qui assurerait la continuité du régime. Les manifestations qui viennent d’avoir lieu dans tout le pays le 12 avril montrent que la majorité de la population ne veut pas se contenter d’un ravalement de façade et refuse d’accorder la moindre confiance à ceux qui ont dirigé le pays avec Bouteflika en réprimant toute opposition.

Au Soudan, depuis quatre mois, des manifestations se déroulaient contre le renchérissement des produits de première nécessité. Malgré la répression, elles n’ont cessé de s’amplifier. Finalement, le 11 avril, l’armée a décidé de lâcher le dictateur en place depuis 30 ans, organisant un coup d’État pour mettre en place un « Conseil militaire de transition ».

Les travailleurs et les classes populaires qui se sont mobilisées  massivement en Algérie et au Soudan contre la dictature ont montré qu’en luttant collectivement et d’une façon déterminée, ils représentent une force énorme.

Mais ce qui se passe aussi bien en Algérie qu’au Soudan nous montre aussi que cette force ne peut être efficace qu’à condition d’être guidée par une politique qui se place du point de vue des intérêts de classe des exploités. Cela nécessite que les exploités se donnent une organisation représentant à la fois ces intérêts et une perspective pour l’ensemble de la société.

La grande bourgeoisie, les classes privilégiées ont à leur disposition un arsenal politique et des forces de répression pour défendre leur domination. Ces serviteurs politiques ou militaires ont les moyens d’inventer une multitude de subterfuges pour tromper la majorité pauvre de la population et tenter de la conduire vers des voies de garage. Et si ces subterfuges ne suffisent pas, ils feront appel à la répression. En Algérie, de façon encore un peu déguisée, au Soudan de façon brutale, c’est l’état-major de l’armée qui joue le rôle de centre dirigeant pour offrir une solution à la classe dominante.

Eh bien, la principale leçon à en tirer pour les classes exploitées, et avant tout pour le prolétariat, c’est qu’il faut qu’elles disposent d’organisations susceptibles de devenir un état-major face à ceux de la bourgeoisie, à commencer par un parti en lequel elles se reconnaissent et qui sache opposer aux choix politiques de la bourgeoisie une politique favorable aux masses populaires.

L’autre leçon, c’est que la classe privilégiée n’abandonne jamais sans combattre. « Qui a du fer a du pain » disait Blanqui, un grand révolutionnaire du 19ème siècle parlant de l’armement des classes opprimées. Ce qui s’est passé en Égypte est l’illustration de ce que font les oppresseurs à un peuple désarmé.

La lutte que mènent aujourd’hui les travailleurs en Algérie et au Soudan, c’est aussi la nôtre, travailleurs de France, celle que nous avons à mener pour renverser le pouvoir politique et économique de la classe privilégiée et pour mettre fin à la mainmise du grand capital sur la vie de la société.

lundi 15 avril 2019

Editorial des bulletins Lutte ouvrière d'entreprise du lundi 15 avril 2019


Algérie, Soudan : des leçons et un avertissement pour les travailleurs




Depuis plusieurs semaines, en Algérie et au Soudan, la population est parvenue à ébranler les dictatures en place depuis des dizaines d’années, à force de mobilisations massives et déterminées.

En Algérie, après les manifestations qui ont commencé en février, la population a obtenu la démission de Bouteflika, qui était au pouvoir depuis vingt ans. Le nouveau gouvernement a promis la tenue d’un scrutin présidentiel le 4 juillet prochain. Il espère ainsi canaliser l’aspiration au changement exprimée par la population et faire élire un homme qui assurerait la continuité du régime.

Les manifestations qui viennent d’avoir lieu dans tout le pays le 12 avril montrent que la majorité de la population ne veut pas se contenter d’un ravalement de façade et refuse d’accorder la moindre confiance à ceux qui ont dirigé le pays avec Bouteflika en réprimant toute opposition.

Cette méfiance est d’autant plus justifiée qu’au-delà de la clique de privilégiés et d’affairistes qui s’accaparent le sommet de l’État, c’est tout l’appareil répressif de la dictature, à commencer par l’armée, qui reste en place. Et si pour le moment, l’état-major n’a pas fait le choix de réprimer les manifestations, ses dirigeants n’ont pas hésité dans le passé à faire tirer à de nombreuses reprises sur la population.

Au Soudan, depuis quatre mois, des manifestations se déroulaient contre le renchérissement des produits de première nécessité, comme le sucre et le pain dont le prix avait été multiplié par trois. Malgré la répression, les manifestations ont continué de s’amplifier. Finalement, le 11 avril, l’armée a décidé de lâcher le dictateur en place depuis 30 ans, organisant un coup d’État pour mettre en place un « Conseil militaire de transition ».

Contre ce qu’ils dénonçaient comme « une photocopie du régime », des milliers de manifestants ont continué de descendre dans la rue, défiant le couvre-feu instauré par les nouvelles autorités et obligeant le chef du Conseil militaire à peine installé à démissionner. « En deux jours, nous avons renversé deux présidents » scandaient fièrement les manifestants soudanais.

Les travailleurs et les classes populaires qui se sont mobilisées massivement en Algérie et au Soudan contre la dictature ont toutes les raisons d’être fiers. Ils ont montré qu’en luttant collectivement et d’une façon déterminée, ils représentent une force énorme.

Mais ce qui se passe aussi bien en Algérie qu’au Soudan nous montre aussi que cette force ne peut être efficace qu’à condition d’être guidée par une politique qui se place du point de vue des intérêts de classe des exploités. Cela nécessite que les exploités se donnent une organisation représentant à la fois ces intérêts et une perspective pour l’ensemble de la société.

La grande bourgeoisie, les classes privilégiées ont à leur disposition un arsenal politique et des forces de répression pour défendre leur domination. Ces serviteurs politiques ou militaires ont les moyens d’inventer une multitude de subterfuges pour tromper la majorité pauvre de la population et tenter de la conduire vers des voies de garage.

Et si ces subterfuges ne suffisent pas, ils feront appel à la répression. En Algérie, de façon encore un peu déguisée, au Soudan de façon brutale, c’est l’état-major de l’armée qui joue le rôle de centre dirigeant pour offrir une solution à la classe dirigeante.

Eh bien, la principale leçon à en tirer pour les classes exploitées, et avant tout pour le prolétariat, c’est qu’il faut qu’elles disposent d’organisations susceptibles de devenir un état-major face à ceux de la bourgeoisie, à commencer par un parti en lequel elles se reconnaissent et qui sache opposer aux choix politiques de la bourgeoisie une politique favorable aux masses populaires.

L’autre leçon, c’est que la classe privilégiée n’abandonne jamais sans combattre. « Qui a du fer a du pain » disait Blanqui, un grand révolutionnaire du 19ème siècle parlant de l’armement des classes opprimées. Ce qui s’est passé en Égypte est l’illustration de ce que font les oppresseurs à un peuple désarmé.

La lutte que mènent aujourd’hui les travailleurs en Algérie et au Soudan, c’est aussi la nôtre, travailleurs de France, celle que nous avons à mener pour renverser le pouvoir politique et économique de la classe privilégiée et pour mettre fin à la mainmise du grand capital sur la vie de la société.

vendredi 12 avril 2019

Algérie : une nouvelle étape pour le mouvement. Un article de notre hebdomadaire Lutte ouvrière de cette semaine


Algérie : une nouvelle étape pour le mouvement

Dimanche 7 avril, Bedoui, le Premier ministre, a interdit les manifestations en semaine. Le lendemain, la police procédait à des arrestations lors d’un rassemblement devant la Grande Poste à Alger. Mardi 9 avril, pour la première fois, un important dispositif policier réprimait la manifestation de milliers d’étudiants venus crier « Bensalah, Bedoui, Belaïz, dégagez ! ». Le pouvoir tente-t-il, pour endiguer la contestation populaire, d’amorcer un tournant vers la répression ? En tout cas, dès le lendemain 10 avril, cela déclenchait de nombreuses manifestations de protestation.



Le pouvoir n’a pas encore gagné le bras de fer, car si des millions d’Algériens se sont dit « Bon débarras ! » après la démission de Bouteflika, ils refusent qu’elle serve au bout du compte à sauvegarder le système. Aussi, vendredi 5 avril, de M’sila à Mostaganem en passant par Boumerdès, Sétif et Ouargla, c’est encore massivement qu’ils sont descendus dans la rue pour rejeter la transition que le chef d’état-major Gaïd Salah leur prépare sous l’égide de ceux qu’ils appellent les « 3 B ».

Non aux 3 B, dégagez tous !

Bensalah, le président par intérim, à la tête du Parlement depuis vingt-deux ans, Bédoui, Premier ministre, et Belaiz, président du Conseil constitutionnel, ont tous servi le système tant décrié par la population. Comme le disait un militant des droits humains : « C’est comme si on mettait l’extincteur d’une maison qui brûle entre les mains des pyromanes. »
Les manifestants ne veulent pas d’une transition démocratique qui se fasse sans eux et par en haut. Ils veulent le départ de tous ceux qui, de près ou de loin, sont liés au système. « Bedoui dégage ! Belaiz dégage ! Bensalah dégage ! », « FLN dégage ! RND dégage ! », « Appliquons l’article 7 ! », « Le peuple a décidé, il a dit vous partez, c’est que vous partez ! » L’interdiction de quitter le territoire et l’arrestation de quelques riches hommes d’affaires ne font pas le compte et ne suffisent pas à redorer le blason d’un pouvoir honni.
Dès dimanche, dans quelques entreprises, les travailleurs se sont saisis de l’appel à la grève lancé sur les réseaux sociaux contre le système, contre Sidi Said, le leader de l’UGTA. Les travailleurs en profitent aussi pour avancer des revendications de salaires. C’est le cas des travailleurs d’IMC dans la zone de Rouïba, de la briqueterie de Bouira, de ceux de Socothyde aux Issers. Les mineurs de Tebessa ont quant à eux chassé leurs délégués syndicaux UGTA. Un nouveau slogan est apparu « Vous rendrez tous des comptes ! »
Les manifestants ont raison d’être vigilants car la transition qu’on leur prépare ne peut pas être démocratique. Derrière les 3 B, il y a l’état-major de l’armée et son chef Gaïd Salah. Malgré les mots d’ordre « Armée peuple, frère ! frère ! », beaucoup repris par les manifestants, ou encore « L’armée est la nôtre et on fait ce qu’on veut », l’état-major de cette armée assure la continuité du système et se tient prêt à la répression s’il juge que c’est la meilleure option.
Pour l’instant, face à la puissance du mouvement populaire, on ne sait pas quel sera le choix fait par Gaïd Salah. Lui qui a été un grand ami de Bouteflika, qui a soutenu le cinquième mandat, se présente au contraire comme celui qui veille au changement. S’il est rejeté par une partie des manifestants, il bénéficie du soutien de la presse libérale et de bien des partis d’opposition, qui aimeraient aussi en finir avec la contestation.
Soucieux de ne pas se faire voler leur mouvement, les travailleurs et l’ensemble des couches populaires doivent maintenir la pression, discuter et s’organiser sur les lieux de travail, dans les quartiers, les universités, afin de déjouer les manœuvres d’un pouvoir qui ne renoncera pas à les faire rentrer dans le rang.

                                          Leïla Wahda (Lutte ouvrière n°2645)