Gilets
jaunes : le mouvement ne se laisse pas enterrer
Pour leur 18e samedi,
le 16 mars, les gilets jaunes ont rappelé à Macron qu’il n’en avait pas fini
avec eux. Son grand débat destiné à noyer la protestation, les menaces contre
ceux qui n’en peuvent plus, rien n’y a fait : des dizaines de milliers de
manifestants ont tenu à dire dans tout le pays qu’ils étaient toujours là, avec
leurs revendications restées sans réponse du pouvoir.
Macron, qui avait voulu prendre
du bon temps aux sports d’hiver, a dû rentrer dare-dare à Paris où, en marge de
la manifestation, de petits groupes avaient à nouveau saccagé des commerces sur
les Champs-Élysées.
Le gouvernement et ses relais ont
sorti la grosse artillerie. Des gilets jaunes et surtout de leurs
revendications, plus un mot, tandis que ministres et commentateurs tournaient
en boucle sur les plateaux de télévision pour assimiler la foule des
manifestants aux 1 500 casseurs que la police avait comptabilisés. Une
propagande systématique a fustigé toute contestation comme une entreprise de
déstabilisation violente de l’ordre établi.
On y avait déjà eu droit contre
les cheminots, lorsqu’ils se défendaient contre ce gouvernement. Cette fois,
les Castaner et consorts n’ont pas fait dans le détail. Ils ont dénoncé les
« factieux », menacé tous ceux qui avaient manifesté à Paris d’être
tenus pour complices des exactions de quelques-uns.
La casse de la terrasse du
Fouquet’s, ce restaurant de luxe, a aussi été dénoncée. Mais, pour tenter de
donner le change, les défenseurs de l’ordre ont cru habile d’invoquer, non pas
la digestion troublée de quelques richards, mais l’emploi des serveurs !
Ils ont aussi versé un pleur sur l’employée d’un kiosque incendié. Mais qui a
jamais entendu un gouvernant se soucier du sort des serveurs de restaurants ou
des conditions de travail indignes des soutiers de la distribution de
journaux ?
Bien sûr, incendier une banque
est stérile – comme si cela pouvait ébranler le pouvoir de la finance ! –
et irresponsable – comme l’ont montré les images de la femme fuyant l’immeuble
avec son bébé.
Des gilets jaunes se sont
démarqués de la violence des bandes qui parasitent leur mouvement. Mais
beaucoup ne s’en disent pas choqués, et cela se comprend, car ils y voient une
réponse à la violence qu’ils subissent de la part de la police et au mépris du
gouvernement. Dans cette société, la violence règne en grand, marquant à chaque
instant la vie de millions d’hommes et de femmes.
C’est la violence du système
capitaliste que subissent ceux qui ont beau chercher du travail, et n’en
trouvent pas ; ou ceux qui ont un emploi, mais qui voient que le travail
ne paie pas, quoi que prétende Macron. Tout cela alors que les actionnaires du
CAC 40, eux, voient leur fortune s’accroître d’année en année sans avoir rien à
faire, sinon ordonner à la direction de leurs entreprises de supprimer des
emplois, l’argent qu’ils récupèrent ainsi filant tout droit dans la
spéculation.
Et comment ne pas s’indigner de
voir cet argent couler à flots, alors que l’État prétend en manquer pour
l’école, pour les hôpitaux, pour embaucher dans les services publics au lieu de
les étrangler ?
Des jeunes qui voudraient avoir
un avenir et qui constatent qu’il est bouché devraient-ils se résigner ?
Les anciens, qui survivent avec quelques centaines d’euros, devraient-ils se
satisfaire de ce que des nantis flambent le montant de leur pension en un seul
repas ?
Macron et ses ministres peuvent
toujours s’indigner, dénoncer la violence, ils ne doivent pas s’étonner si,
quand le feu prend au Fouquet’s, sur cette avenue symbole d’une richesse
insolente, beaucoup y voient une forme de revanche.
Pierre
LAFFITTE (Lutte ouvrière n°2642)