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mercredi 10 avril 2024

Cacao : Les vautours par l’arôme alléchés

 Les vautours par l’arôme alléchés

 

La fève de cacao est entraînée depuis l’été 2023 dans une fièvre spéculative qui a multiplié par près de 2,8 son cours en Bourse. Il a franchi fin mars la barre des 10 000 euros la tonne, au-dessus du prix du cuivre, pourtant enjeu d’une flambée dans les dernières années.

 

 

La fève de cacao est cultivée tout autour du globe, dans la ceinture tropicale. La Côte d’Ivoire, avec plus de deux millions de tonnes, et le Ghana, avec 800 000 tonnes de fèves de cacao, sont les deux principaux producteurs. Cependant, c’est sur les places boursières de New York et de Londres qu’est cotée cette matière première agricole.

Les mauvaises conditions météorologiques en Afrique de l’Ouest en 2023 sont présentées comme à l’origine de la montée des prix du cacao. En 2023, les ventes anticipées du cacao de Côte d’Ivoire avaient été suspendues, car les récoltes s’annonçaient mauvaises, laissant présager une pénurie qui d’ailleurs ne s’est pas vérifiée. L’explosion du cours est directement alimentée par des fonds d’investissements spéculatifs, qui auraient, selon la presse, injecté quelque 8,7 milliards de dollars au cours des derniers mois sur les Bourses de New York et Londres pour le faire monter. Le mouvement est à l’inverse de celui de 2017, quand une surproduction estimée à 200 000 tonnes de fèves avait conduit à une spéculation à la baisse diminuant de 30 % les cours du cacao.

Ces fonds spéculatifs ne font rien d’illégal et, dans la jungle capitaliste, leur comportement de vautours se jetant sur les matières premières agricoles ou minérales est encouragé par toutes les crises, qu’elles viennent de l’économie elle-même, des guerres que celle-ci entraîne ou des catastrophes climatiques. Les gains vont remplir les coffres-forts des grosses fortunes, des banques ou des institutions financières qui sont leurs clientèles.

Par contre, aux travailleurs du cacao, aux petits producteurs dont près de 80 % vivent en dessous du seuil de pauvreté, fixé à 1 dollar par jour en Côte d’Ivoire par exemple, la flambée spéculative ne rapportera rien. Elle ne les sortira pas de leur dépendance vis-à-vis des multinationales du chocolat, comme Nestlé par exemple.

En bout de chaîne, dans les pays consommateurs, le chocolat dans ses différentes formes est annoncé en forte hausse pour cet été dans les rayons. C’est la dîme que l’amateur de friandises, s’il peut se les offrir, paiera aux spéculateurs, sans que les travailleurs du cacao d’Afrique et d’ailleurs sortent de leur misère.

                                                   Boris Savin (Lutte ouvrière n°2905)

mardi 9 avril 2024

Éditorial des bulletins Lutte ouvrière d’entreprise du lundi 8 avril 2024

 Gaza : les assassins sont aussi À Washington et À Paris

8 avril 2024

L'armée israélienne a annoncé son retrait du sud de la bande de Gaza. Mais il ne s’agit en rien d’un cessez-le-feu. Comme l’expliquent Netanyahou et les hauts gradés, l’armée passe à une nouvelle phase : la préparation de l’intervention terrestre sur Rafah, ville à la frontière de l’Égypte, qui concentre deux millions de réfugiés. C’est dire que les Palestiniens ne sont pas sortis de l’enfer dans lequel ils sont plongés depuis six mois !

Aux bombardements meurtriers et destructeurs, s’ajoutent la crise humanitaire et la famine. Les hôpitaux signalent déjà des enfants morts de malnutrition. Hommes ou enfants abattus alors qu’ils cherchaient à manger, familles ensevelies sous un bombardement soi-disant ciblé… chaque jour, une horreur s’ajoute aux autres sans que cela fasse bouger les dirigeants occidentaux.

Pour qu’ils s’indignent, il faut que des Occidentaux soient tués, comme cela a été le cas la semaine dernière pour sept humanitaires qui apportaient de la nourriture. Mais qui pour dénoncer, par exemple, la destruction totale de l’hôpital Al Shifa, un des hôpitaux les plus anciens et importants de la bande de Gaza, qui a sans doute fait des centaines de victimes civiles ?

Dernièrement, dans un échange téléphonique avec Netanyahou, Biden aurait menacé de retirer le soutien des États-Unis à Israël si des mesures immédiates et concrètes n’étaient pas prises pour protéger les civils. Il aurait aussi réclamé un cessez-le-feu… juste après lui avoir envoyé des avions de chasse d’une valeur de 18 milliards de dollars. C’est d’une hypocrisie révoltante !

Pris à partie par ses propres supporters aux États-Unis, Biden préférerait sans doute plus de retenue de la part de son allié. D’autant que l’armée israélienne se permet de bombarder le Sud-Liban pour attaquer le Hezbollah, et même la Syrie où elle vient de détruire le consulat iranien à Damas, au risque généraliser encore le conflit.  

Mais mis à part du cinéma, Biden ne fait rien pour retenir le bras de Netanyahou et arrêter la tragédie à Gaza, ne serait-ce que sur le plan humanitaire. Les États-Unis seraient impuissants parce qu’ils n’arrivent pas à raisonner Netanyahou ? C’est se moquer du monde !

Depuis quand la première puissance mondiale se retient-elle pour débarquer troupes et vivres si elle veut le faire ? Combien de régimes a-t-elle mis à l’amende, isolés, marginalisés et même renversés ?

Tous les moyens d’intervention sont à la portée des États-Unis. Surtout en ce qui concerne Israël, qui ne pourrait pas exister sans leur soutien financier et militaire. La réalité est qu’ils ne veulent pas forcer la main à leur allié israélien et qu’ils se moquent complètement des Palestiniens, des résolutions de l’ONU, et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qu’ils invoquent si souvent.

Macron compte moins que Biden, mais à son échelle il a également laissé faire le massacre de Gaza. Et il n’a de cesse de faire taire ceux qui veulent dénoncer la politique de l’État israélien en les accusant d’antisémitisme.

Alors, les hommes, femmes et enfants qui sont morts à Gaza, 33 000 au bas mot, ne sont pas seulement à mettre au compte de Netanyahou, mais aussi à celui de ses comparses occidentaux.

 N’en soyons pas surpris ! Depuis 75 ans, les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie sont sacrifiés sur l’autel de l’impérialisme. Depuis que les puissances impérialistes ont décidé d’utiliser l’État israélien pour asseoir leur influence dans cette région du Moyen-Orient, riche en pétrole et cruciale pour le commerce international, elles couvrent tous ses crimes. Elles entérinent sa politique de colonisation et d’apartheid. Et elles font des Palestiniens des réfugiés à vie au Liban, en Syrie, en Jordanie, à Gaza, en Cisjordanie et en Israël. 

Et ce sont ces dirigeants-là qui gouvernent le monde ! Ce sont eux qui prétendent nommer le bien et le mal. Eux qui prétendent dire le droit international et désignent qui est terroriste et qui ne l’est pas. Et ce sont eux qui parleront de paix, une fois que les cimetières palestiniens déborderont, et que la puissance oppressive qu’est Israël fera régner sa loi.  

Non, les puissances impérialistes ne sont pas les colombes de la paix, de la démocratie et de la prospérité. Ni à Gaza, ni en Ukraine, ni à Haïti, ni à Taïwan. Au Rwanda, on commémore un génocide qui a fait 800 000 morts avec la complicité active de l’État français, de son état-major, de ses ministres et de son président !

Par leur pillage, leur domination et leurs calculs sordides, les maîtres du monde participent à l’engrenage guerrier. La seule alternative à cette marche à la guerre est celle que les exploités du monde entier pourraient représenter en s’attaquant à leurs propres dirigeants et à l’ordre capitaliste qu’ils incarnent.                              

                                                                             Nathalie Arthaud

 

Les prochaines permanences prévues à Argenteuil :

-Mercredi 10 avril : de 11 h. à 11 h.30, marché des Champioux ;

-Vendredi 12 avril : de 15h40 à 16 h40 au marché du Val-Nord ;

-et de 17 h.15 à 18 h.15, « Carrefour Babou » ;

-Samedi 13 avril : de 10 h.30 à midi Centre Cl de la cité Joliot-Curie,

- et de 11 h à midi au marché de la Colonie ;

-Lundi 15 avril : de 18 à 19 heures, centre cl des Raguenets à Saint-Gratien.

 

 

Toutes les semaines, l’hebdomadaire Lutte ouvrière est aussi en vente à la librairie Le Presse-papier et au Tabac-Presse du mail de la Terrasse du quartier du Val-Nord que nous remercions.

 

15 euros jusqu’au 21 avril : mdommarie@aol.com

samedi 6 avril 2024

Génocide au Rwanda : État français responsable et complice

 

L’euphémisme de Macron

 

 

A l’occasion des commémorations du génocide contre les Tutsis qui a fait 800 000 victimes en 1994 au Rwanda, Macron a déclaré que la France « aurait pu arrêter le génocide avec ses alliés occidentaux et africains, mais n’en a pas eu la volonté ». Cet euphémisme, présenté comme un premier repentir, reste un mensonge par omission. L’État français, avec Mitterrand à sa tête, n’a pas seulement regardé ailleurs : il a activement formé, soutenu, fourni en armes, l’armée du régime dirigé par Habyarimana qui préparait ouvertement un génocide.

         A l’époque, pour ne pas perdre son influence dans la riche région des Grands Lacs, avec le Congo et ses minerais stratégiques, l’impérialisme français a soutenu un régime génocidaire. Aujourd’hui, pour renouer avec le Rwanda qui pèse dans cette région, Macron est prêt à marmonner quelques demi excuses. Il ajoute le cynisme aux crimes de l’État français.

 

Les prochaines permanences prévues à Argenteuil :

-Aujourd’hui samedi 6 avril : de 10 h. à 10 h.30, marché des Coteaux ;

-de 11 h à midi au marché de la Colonie ;

--Lundi 8 avril : de 18 à 19 heures, centre cl des Raguenets à Saint-Gratien ;

-Mercredi 10 avril : de 11 h. à 11 h.30, marché des Champioux.

 

 

Toutes les semaines, l’hebdomadaire Lutte ouvrière est aussi en vente à la librairie Le Presse-papier et au Tabac-Presse du mail de la Terrasse du quartier du Val-Nord que nous remercions.

 


 

Rwanda : L’impérialisme français responsable et coupable

 

Rwanda : L’impérialisme français responsable et coupable

Le 6 avril 1994, à 20 h 30, le dictateur du Rwanda, mourait lors du crash de son avion, abattu par un missile. Quelques minutes après, dans les rues de la capitale Kigali, les miliciens du pouvoir hutu formaient les barrages sur lesquels commençaient les massacres de membres de l’ethnie tutsie et d’opposants politiques. Le génocide qui débutait allait durer 100 jours et faire plus de 800 000 morts.

 

Dans tout le pays, les victimes sont alors assassinées par milliers sur les barrages ou pourchassées dans leur maison, dans les hôpitaux, dans les forêts où elles se cachent. La grande majorité des notables politiques ou religieux, tous liés au pouvoir, aident à regrouper et enfermer, pour faciliter leur extermination, ceux qui tentent de fuir ou de se protéger dans des écoles ou des églises. Les miliciens distribuent des armes et des machettes aux habitants, forçant y compris les voisins des victimes à participer à la tuerie, sous peine d’être exécutés eux-mêmes.

Pendant des semaines, les cadavres vont joncher les rues de toutes les villes et de tous les villages et la capitale devient un immense charnier. Aucun des nombreux officiers ou représentants des grandes puissances présents sur place ne peut échapper aux hurlements des victimes, des femmes violées, des enfants découpés à la machette après avoir vu leurs parents mourir. Et pourtant aucune capitale occidentale ne fera quoi que ce soit pour tenter d’arrêter le massacre.

L’héritage de la colonisation

Pour comprendre les raisons de cette horreur, il faut remonter à la colonisation du Rwanda. C’est pour imposer sa domination coloniale que la Belgique, succédant à l’Allemagne, y développa une politique de division au sein de la population. La partie tutsie fut favorisée au détriment des deux autres groupes : les Hutus et les Twas. Dans les années 1930, l’instauration de cartes d’identité portant mention de l’ethnie figea ces divisions et renforça les haines. De l’Inde à la Palestine, les puissances coloniales usaient partout du même procédé de division, avec des conséquences tout aussi criminelles.

Lors de la marche vers l’indépendance, le pouvoir belge favorisa cette fois l’accession au pouvoir des Hutus. L’Église catholique belge appuya même la propagande pour une « révolution sociale », cache-sexe de massacres de Tutsis, présentés comme des privilégiés. Des centaines de milliers de ceux-ci s’exilèrent pour échapper à la mort lors de l’indépendance. En 1962, les autorités belges remirent ainsi le pouvoir à des politiciens rwandais dont la base politique était la haine des Tutsis et la défense des Hutus. Dès lors, les massacres de Tutsis allaient accompagner chaque crise traversée par le pouvoir. En 1973, un coup d’État installa au pouvoir Juvénal Habyarimana, entouré d’une clique d’officiers et de civils se voulant encore plus extrémistes.

La France fit de cette dictature sanglante et ouvertement raciste un allié solide. Habyarimana devint un ami de Giscard d’Estaing, puis de Mitterrand, et des accords militaires lièrent les deux pays. La bourgeoisie française cherchait à conquérir de l’influence dans cette région car malgré toutes ses sales manœuvresdepuis les indépendances, elle perdait de son influence économique et politique en Afrique. Le Rwanda était idéalement positionné pour être un élément clef dans la concurrence entre impérialistes français, anglais et américain.

En octobre 1990, le Front patriotique rwandais (FPR), formé par des opposants tutsis, lança une offensive sur Kigali, à laquelle l’armée rwandaise s’avéra incapable de résister. Mais une victoire du FPR, lié aux États-Unis, était inacceptable pour la France, qui accrut son soutien militaire, s’impliqua directement dans les combats et livra massivement des armes.

Un massacre bien préparé

La dictature rwandaise alimentait les violences contre les Tutsis, présentés comme l’ennemi de l’intérieur. Les milices du parti au pouvoir, les Interahamwe, dressaient des listes de gens à abattre. La radio-télévision officielle, dite Radio des Mille Collines, appelait quasiment à l’extermination des Tutsis traités communément de cafards. De 1990 à 1994, la presse internationale fit état de massacres sporadiques. Le génocide se préparait.

En août 1993, sous la pression des grandes puissances, Habyarimana accepta de signer avec le FPR un accord pour le partage du pouvoir. Les cercles extrémistes autour de lui firent tout pour empêcher son application. La crainte de perdre le pouvoir accéléra la préparation du génocide, seul moyen à leurs yeux de le garder. C’est d’ailleurs l’attentat dont fut victime Habyarimana, en revenant d’une nouvelle négociation régionale pour trouver une solution, qui le déclencha. Dans les jours suivants, un nouveau gouvernement regroupant les plus extrémistes du régime, fut mis en place dans les salons de l’ambassade de France.

Le génocide fut nié par la grande presse française, qui reprit servilement, comme dans les pires dictatures, les mensonges du pouvoir. L’ONU finit par interdire les livraisons d’armes au Rwanda, mais des banques françaises servirent encore d’intermédiaires pour le trafic d’armes. Au bout de trois mois, quand les grandes puissances firent semblant de s’alarmer de la situation, l’ONU permit à la France de lancer une opération dite humanitaire, qui cachait en réalité la volonté de protéger la fuite des génocidaires armés vers le Congo voisin. Ajoutant du cynisme à la barbarie, Mitterrand alla en novembre 1994 jusqu’à parler des : « chefs locaux qui décident délibérément… de régler des comptes à coups de machette ».

Il fallut vingt-sept ans avant qu’un dirigeant de l’État français, Macron admette la responsabilité de celui-ci dans le génocide de 1994. Encore tenta-t-il de la faire retomber principalement sur les épaules de Mitterrand, qui avait l’avantage d’être mort. Cela représente vingt-sept ans de mensonges, de faux témoignages et, en parallèle, de protections accordées aux génocidaires.

Quoi qu’ils fassent pour le nier, il reste que tous les responsables politiques français de l’époque ont les mains couvertes du sang des femmes, des hommes, des enfants et des vieillards exterminés. Il ne s’est agi ni d’erreurs, ni d’un manque de connaissances de leur part. Tous savaient ce que préparait la dictature rwandaise de l’époque, et ce n’est pas une formule.

En ce mois d’avril 1994, François Mitterrand était bien président de la République, mais avec un gouvernement de cohabitation, dont l’homme de droite Édouard Balladur était Premier ministre. Alain Juppé était son ministre des Affaires étrangères et Dominique de Villepin dirigeait son cabinet. Charles Pasqua était ministre de l’Intérieur ; le « modéré » François Bayrou était ministre de l’Éducation nationale et François Fillon, ministre de l’Enseignement supérieur. Simone Veil, elle-même rescapée des camps de la mort et considérée comme un exemple d’honnêteté politique, était ministre des Affaires sociales. Sarkozy était porte-parole de ce gouvernement et Hubert Védrine secrétaire général de l’Élysée.

Cette brochette de représentants de la bourgeoisie française a fait passer la défense des intérêts capitalistes avant la vie d’un million de personnes. Que l’on ne s’y trompe pas : demain, si les intérêts des bourgeois français sont en jeu, les mêmes ou leurs successeurs pourront le refaire.

                                                        Marion Ajar  (Lutte ouvrière n°2905)