J’évoquerai
demain matin la cérémonie qui comme chaque année a lieu devant la stèle à la mémoire
de Rino Della Negra, enfant du quartier Mazagran, fusillé aux côtés de ses
camarades du réseau MOI-FTP le 21 février 1944. J’assiste pratiquement chaque
année à cette cérémonie sans en partager les discours qui sont souvent loin de
mes convictions. Je le fais à la mémoire de ces hommes, engagés, déterminés et
héroïques qui auraient pu aussi se battre dans le cadre d’une autre politique.
À leur mémoire et pour l’éducation de la jeune génération qui, nous en sommes
sûr, rejoindra le combat de la 4ème Internationale, celui des
États-Unis socialiste d’Europe et de la grande République socialiste
universelle, ci-dessous le texte d’un des fondateurs de l’Union Communiste
Internationaliste, l’ancêtre de Lutte ouvrière. Un texte exceptionnel qui pose
le problème évoqué dans le titre de cette brève : défense de leur
engagement et de leur héroïsme, regret pour la politique du PCF d’alors qu’ils
ont suivie. Texte qui paraît dans le numéro 2899 de notre hebdomadaire Lutte
ouvrière. DM
Défense
des terroristes
23 Février 1944
Vingt-quatre « terroristes »
sélectionnés viennent d’être livrés à la publicité par la Gestapo, pour
dégoûter de l’armée clandestine, qui lutte contre l’impérialisme allemand, la «
bonne société » et les petits bourgeois conformistes.
Regardez-les, disent les scribes
de la Gestapo, ces faces « rusées et cruelles » de Juifs, de
Polonais, d’Italiens, d’Espagnols communistes : ces gens prétendent juger
du destin de la France ! Certes, d’après les prostitués de la presse
bourgeoise, ce sont les Doriot et les Goering, aux faces bouffies, et tous les
engraissés du régime de terreur bourgeois qui doivent décider du sort de la
France...
Regardons-les bien,
travailleurs : ces visages que le photographe et les commentaires des
affiches veulent nous empêcher de voir sont des visages d’opprimés, des visages
de travailleurs : ils sont notre propre visage. Comment ces têtes
d’opprimés et d’exploités de plusieurs pays, qui luttent à mort contre le
régime capitaliste d’exploitation et de misère, ne feraient-elles pas écumer de
rage les bourgeois gavés au marché noir et vautrés dans les bras de prostituées
qu’ils entretiennent avec le sang et la sueur des ouvriers ?
Regardons-les bien, camarades,
ces têtes énergiques de jeunes qui bravent à leur « procès » les
canailles galonnées chargées de les faire fusiller : leur courage doit
servir d’exemple à tous les jeunes, à notre époque de guerres impérialistes et
de guerres civiles.
« Ils ont des dizaines de
crimes sur la conscience », profèrent leurs bourreaux,
experts dans l’assassinat de milliers d’hommes en un seul jour, en une seule
bataille… « Ils ont suivi l’école du crime », clament les
professeurs qui enseignent l’« art » de la tuerie à des milliers de
jeunes de 16 ans arrachés à leurs familles contre leur gré… « Ils ne
sont pas la France », affirment les tortionnaires du peuple français
qui n’ont pas assez de leur Milice, de leur police, de leur Garde mobile, des
bandes fascistes et des troupes d’occupation spéciales pour venir à bout des
dizaines de milliers de réfractaires à la déportation et au travail pour la
guerre impérialiste, et qui se gardent bien de publier les listes des jeunes
gens qu’ils abattent par dizaines tous les jours.
« Ce sont des bandits »,
écrivent les journaux à solde, en exposant certains cas particulièrement
suspects. Mais si l’activité de véritables bandits, parmi lesquels il ne faut
pas oublier des bandits de la Milice, de Doriot et de Déat, se poursuit
impunément, n’est-ce pas là le résultat de l’anarchie croissante dans laquelle
le capitalisme et la guerre ont jeté la société ?
La classe ouvrière est résolument
pour ceux qui ont pris les armes contre les bourreaux français et allemands qui
martyrisent les peuples ; elle accueille avec mépris les manœuvres de
diversion de la bourgeoisie. Mais la classe ouvrière est inquiète ; elle
ne comprend pas pourquoi des militants qui autrefois combattaient sans
compromis la bourgeoisie de tous les pays, mènent actuellement leur lutte sous
le drapeau tricolore et au bénéfice des armées de Washington, de Londres et
d’Alger. Les ouvriers savent qu’ils n’ont rien à attendre d’une victoire
d’armées capitalistes qui ne feraient que relever les armées allemandes dans
leur rôle de gardes-chiourme pour maintenir le capitalisme. Ils savent que
Roosevelt en Amérique et Churchill en Angleterre prennent contre la classe
ouvrière les mêmes mesures que Hitler en Allemagne.
Le prolétariat cherche des
militants et un parti qui luttent directement pour ses intérêts, pour son
relèvement économique et culturel, pour ses conquêtes de juin 1936, conquêtes
qui sont également odieuses pour tout gouvernement capitaliste, totalitaire ou
parlementaire, et qui rencontreraient la même résistance de sa part.
Servir la classe ouvrière, c’est
lutter pour les États-Unis socialistes d’Europe, pour la transformation de la
guerre impérialiste en guerre civile, pour le socialisme. Lutter pour le
triomphe de soi-disant démocraties sur le fascisme, c’est renouveler la
trahison de 1914, quand les partis socialistes de l’Entente se mirent du côté
de leur bourgeoisie sous prétexte de vaincre le militarisme.
De même que la grande majorité
des ouvriers socialistes comprirent la trahison de leurs chefs et passèrent à
la IIIe Internationale de Lénine et de Trotsky pour accomplir leur devoir de
classe, de même la grande majorité des ouvriers communistes doit cesser de
s’accrocher aux restes pourris de ce qui fut autrefois la IIIe Internationale
pour lutter avec les militants de la IVe Internationale, parti mondial de la
révolution socialiste.
Les militants combattants du PC
restés fidèles à leur classe doivent se convaincre que le réveil de la classe
ouvrière, par l’activité croissante de ses éléments les plus avancés et
l’assaut de celle-ci contre le régime capitaliste, n’ont rien de commun avec la
lutte sous le commandement des officiers réactionnaires de De Gaulle.
La IVe Internationale appelle les
meilleurs militants de la classe ouvrière à serrer leurs rangs autour du
drapeau rouge communiste, qui triomphera envers et contre tous de la barbarie
capitaliste et de la guerre !
Lutte de classe Février 1944