Les
vautours par l’arôme alléchés
La fève de cacao est entraînée
depuis l’été 2023 dans une fièvre spéculative qui a multiplié par près de 2,8
son cours en Bourse. Il a franchi fin mars la barre des 10 000 euros la
tonne, au-dessus du prix du cuivre, pourtant enjeu d’une flambée dans les
dernières années.
La fève de cacao est cultivée
tout autour du globe, dans la ceinture tropicale. La Côte d’Ivoire, avec
plus de deux millions de tonnes, et le Ghana, avec 800 000 tonnes de
fèves de cacao, sont les deux principaux producteurs. Cependant, c’est sur les
places boursières de New York et de Londres qu’est cotée cette matière première
agricole.
Les mauvaises conditions
météorologiques en Afrique de l’Ouest en 2023 sont présentées comme à l’origine
de la montée des prix du cacao. En 2023, les ventes anticipées du cacao de Côte
d’Ivoire avaient été suspendues, car les récoltes s’annonçaient mauvaises,
laissant présager une pénurie qui d’ailleurs ne s’est pas vérifiée. L’explosion
du cours est directement alimentée par des fonds d’investissements spéculatifs,
qui auraient, selon la presse, injecté quelque 8,7 milliards de dollars au
cours des derniers mois sur les Bourses de New York et Londres pour le faire
monter. Le mouvement est à l’inverse de celui de 2017, quand une surproduction
estimée à 200 000 tonnes de fèves avait conduit à une spéculation à la
baisse diminuant de 30 % les cours du cacao.
Ces fonds spéculatifs ne font
rien d’illégal et, dans la jungle capitaliste, leur comportement de vautours se
jetant sur les matières premières agricoles ou minérales est encouragé par
toutes les crises, qu’elles viennent de l’économie elle-même, des guerres que
celle-ci entraîne ou des catastrophes climatiques. Les gains vont remplir les
coffres-forts des grosses fortunes, des banques ou des institutions financières
qui sont leurs clientèles.
Par contre, aux travailleurs du
cacao, aux petits producteurs dont près de 80 % vivent en dessous du seuil de
pauvreté, fixé à 1 dollar par jour en Côte d’Ivoire par exemple, la
flambée spéculative ne rapportera rien. Elle ne les sortira pas de leur
dépendance vis-à-vis des multinationales du chocolat, comme Nestlé par exemple.
En bout de chaîne, dans les pays
consommateurs, le chocolat dans ses différentes formes est annoncé en forte
hausse pour cet été dans les rayons. C’est la dîme que l’amateur de friandises,
s’il peut se les offrir, paiera aux spéculateurs, sans que les travailleurs du
cacao d’Afrique et d’ailleurs sortent de leur misère.
Boris Savin
(Lutte ouvrière n°2905)