Pour attendre le bus, il ne faut vraiment pas être pressé
Hier,
midi, arrêt RATP rue du Château. J’attends le bus pour rejoindre le centre. Les
minutes s’écoulent, pas de bus en vue. Heureusement, il y a un petit muret qui
permet de s’asseoir et il ne pleut pas. Il y a déjà du monde qui attend. Au
bout de plusieurs minutes, un jeune affirme que le bus passera 17 minutes plus
tard. Bon d’accord, je n’ai pas encore beaucoup utilisé mon passe Navigo à
Argenteuil, mais je décide d’aller à pied, je prendrai le bus lorsqu’il arrivera
sur le parcours. J’avance, mais rien. Les arrêts défilent et toujours rien.
Devant l’hôtel de ville, un 272 finira enfin par arriver en même temps que je
parviens à ma destination. Il est plein. C’est apparemment celui que j’aurais
dû attendre rue du Château…
Explications de la situation actuelle des suppressions de bus
Un
article de notre hebdomadaire Lutte ouvrière n°2825
Cars et
bus : quelle pénurie de chauffeurs ?
21 Septembre 2022
Les parents d’élèves se plaignent
des annulations de bus scolaires, tandis que les usagers des bus des villes
moyennes et grandes sont confrontés à des attentes interminables pour monter
dans des bus bondés, voire à des fermetures de lignes.
Selon une fédération patronale,
la FNTV, il manquerait 8 000 conducteurs de bus scolaires en France sur un
total de 30 000. 1,2 million d’enfants sont quotidiennement emmenés à
l’école en bus. Pour le transport interurbain de voyageurs, les syndicats
estiment qu’il manque 10 000 chauffeurs de bus.
Dans les grands médias, le
patronat pleurniche sur la pénurie de personnel dans les métiers « difficiles ».
En fait, il faut être en bonne santé et beaucoup de demandeurs d’emploi de
longue durée ont des problèmes de santé que la médecine du travail estime
incompatibles avec ce travail.
Les régions et les villes veulent
réduire l’enveloppe finançant les transports en commun, et se servent pour cela
des appels d’offres à la baisse et de la sous-traitance vers les sociétés du
secteur comme Transdev, Keolis ou RATP-Dev. Ces dernières dégradent les
conditions de travail, réduisent les primes et compensations en vigueur, voire
les salaires, au prétexte de la concurrence. Cela entraîne des démissions, un
service aux voyageurs encore plus dégradé, et des grèves, comme celle des
conducteurs de bus de Vaux-le-Pénil, Vulaines, Lieusaint, en Seine-et-Marne,
durant sept semaines en 2021.
C’est aussi ce qui se passe à la
RATP, où il y a une hausse des démissions et abandons de poste chez les
conducteurs de bus, dont les horaires viennent d’être dégradés et rallongés.
Ils ont pour horizon des conditions de travail encore pires, lors du transfert
des conducteurs RATP vers diverses filiales en 2025, une remise en cause de la
grille des salaires et des droits à la retraite.
La direction de la RATP avait
gelé les recrutements en 2021, calculant que la hausse du temps de conduite lui
permettait de réduire les effectifs. Aujourd’hui, elle fait tout un cinéma pour
recruter, allant jusqu’à proposer aux conducteurs en place une prime de 300
euros par recrutement parrainé. Mais les recrutements actuels ne sont pas une
inversion de sa politique. Elle réagit à un problème ponctuel, lié aux
démissions. La baisse de l’effectif reste programmée, accompagnant les
nouvelles et futures conditions de travail dégradée.
Le problème vient aussi du
salaire. La RATP clame qu’elle offre un salaire de 2 220 euros brut à
l’embauche. Un chiffre bricolé, car la grille de salaire démarre à 1 975
euros brut, soit 1 600 euros net, pour des horaires décalés, changés au
dernier moment, le travail les week-ends, les horaires journaliers en deux
fois, ou sans coupure repas, et les difficultés d’organisation que tout cela
amène pour la vie familiale.
Concernant les bus scolaires,
c’est encore pire. Il reste encore beaucoup de contrats à temps partiel de 800
euros net par mois. Les conducteurs ont alors une journée de travail découpée
en deux parties, voire trois, de deux heures chacune, par exemple deux heures
le matin, deux heures le midi, deux heures le soir.
Pour ne céder ni sur les salaires
ni sur le recrutement, le patronat utilise l’apprentissage, les CDD, l’intérim,
ainsi que les financements publics à la formation au permis D « transports
en commun ». Des centaines de jeunes sont formés au permis D, et les
patrons espèrent que cela leur fournira les conducteurs manquants, sans augmenter
les salaires. Ils comptent aussi sur la réforme de l’assurance chômage. Ils
espèrent ainsi obtenir des travailleurs obligés d’accepter des emplois mal
payés aux contraintes difficiles.
La réalité qu’il y a derrière le
manque de conducteurs de bus, c’est que les patrons veulent des travailleurs de
plus en plus exploités, mal payés et aux conditions de travail dégradées.
Correspondant LO