Grossièreté
présidentielle : insulter pour diviser
12 Janvier 2022
La sortie de Macron déclarant le
5 janvier avoir « très envie d’emmerder les non-vaccinés » était tout
sauf spontanée. Il l’a d’ailleurs revendiquée à plusieurs reprises depuis lors.
Le samedi suivant l’interview, le
8 janvier, il y avait plus de cent mille manifestants mobilisés contre le passe
sanitaire et les injures présidentielles, soit quatre fois plus que lors de la
précédente journée de manifestation. C’était prévisible et probablement prévu
par l’Élysée, le choix du vocabulaire lui-même visant à faire du bruit et même
à faire réagir les opposants. Lorsque le président des riches veut faire
peuple, voire sincère, il se fait grossier, peut-être sur suggestion de
conseillers qui coûtent un « pognon de dingue ». Cela en dit long sur
le mépris avec lequel il considère le peuple en question.
Au-delà de la volonté d’être sans
cesse sur le devant de la scène et de s’autoféliciter de son action, Macron
cherche systématiquement à diviser. Après ou en même temps que les oppositions
travailleur-chômeur, retraité-actif, public-privé, jeune-vieux,
français-immigré, c’est l’opposition entre vaccinés et non-vaccinés que le
pouvoir veut creuser.
En faisant porter la
responsabilité de l’épidémie, et de son nouveau développement, sur les cinq
millions de non-vaccinés, il veut tenter d’échapper à ses propres
responsabilités. L’État n’a rien fait, au contraire, pour mettre les services
de santé en état de combattre. Il a laissé, conjointement avec les
gouvernements des autres grandes puissances, les trusts pharmaceutiques gérer
la crise en fonction de leurs seuls intérêts. Avare de ses moyens,
l’administration s’est bornée depuis deux ans à abreuver la population d’ordres
et de contre-ordres, de menaces et de paperasses. Mais, pas plus dans les
entreprises que dans les écoles et les municipalités, on n’a donné aux premiers
intéressés la possibilité de s’organiser eux-mêmes et de résoudre les problèmes
concrets.
Bien sûr, il est souhaitable
d’élargir le plus possible la vaccination, quoique le déroulement de l’épidémie
montre qu’elle ne résout pas tout. Le fait que la moitié de la population
mondiale n’y a pas accès permet l’apparition incessante de variants. Elle ne
remplace pas non plus les services hospitaliers insuffisants. Quant à
convaincre les personnes réticentes de se faire vacciner, les pressions et les
insultes dignes d’un adjudant ne remplacent pas l’encadrement médical, l’action
sanitaire et la proximité avec la population. Des millions de personnes n’ont
accepté le vaccin que par lassitude et des millions d’autres en sont écartées
par ignorance, ou tout simplement parce qu’elles vivent en dehors, dans la
grande pauvreté, l’isolement, la marginalité. La déclaration présidentielle
n’amènera pas un seul de ceux-là à aller se faire vacciner. Ce n’était
d’ailleurs pas son but.
La provocation de Macron est
aussi une opération politique. Accusant les non-vaccinés, il oblige ses
concurrents des partis de gouvernement à se ranger derrière lui en approuvant
la nouvelle mouture du passe sanitaire. Il compte que l’épidémie ira en
s’atténuant et qu’il pourra, contre toute vérité, se présenter à l’élection
comme celui qui a su gérer la crise. Rejetant avec mépris une partie de la
population dans les ténèbres réactionnaires, étalant sa morgue d’homme bien né
et bien éduqué, Macron pose facilement au défenseur de la science, de la
médecine et du progrès. Il n’est que le défenseur de l’ordre social en général
et des intérêts de sa coterie politique en particulier.
Paul GALOIS (Lutte ouvrière n°2789)