Retraites
: cirque parlementaire ou lutte de classe ?
16 Mai 2023
Alors que Macron et ses ministres
s’agitent pour tenter de tourner la page des retraites, ils doivent gérer une
énième péripétie parlementaire : le projet de loi présenté le 8 juin par le
groupe Liot contre le passage à 64 ans.
Le groupe Liot regroupe des
députés divers et variés, comme Estelle Youssoufa, élue de Mayotte et favorable
à l’opération Wuambushu de Darmanin, ou Charles de Courson, qui a soutenu Juppé
ou Bayrou dans le passé et défendait alors la retraite à 64 ans. Mais, devant
l’impopularité de la loi Macron et pour attirer un peu la lumière, ces obscurs
députés avaient déposé en avril la motion de censure commune des oppositions.
Profitant des subtilités du règlement du Parlement, ils ont récidivé en
déposant un projet de loi interdisant de travailler au-delà de 62 ans.
Aujourd’hui, les macronistes se
tâtent pour savoir comment franchir cette péripétie : dégainer l’un des
nombreux articles constitutionnels qui leur permettent de ne pas mettre cette
loi au vote, faire durer les débats toute la journée du 8 juin, ou prendre le
risque que ce texte soit voté, en sachant qu’il sera de toute façon rejeté par
le Sénat, favorable aux 64 ans. Les macronistes ont l’embarras du choix, tant
les institutions permettent de faire passer en force les coups contre les
travailleurs.
C’est pourtant cette échéance que
l’intersyndicale a choisie pour organiser la 14e journée de mobilisation contre
la réforme des retraites, le 6 juin. Ce n’est ni nouveau ni une surprise.
Depuis le début, l’axe des dirigeants syndicaux a été de faire pression sur les
députés, de les exhorter à voter la motion de censure, puis de s’en remettre au
Conseil constitutionnel. L’insuccès a été au rendez-vous, mais ce n’était pas
de la naïveté : c’est la volonté de mettre dans la tête des travailleurs,
radicalement opposés à la dégradation de leurs conditions d’existence, qu’ils
ne doivent espérer d’issue que dans les institutions.
Pour les directions syndicales,
le problème se limitait à Macron et à sa politique, ce qui revenait à épargner
le grand patronat, qui répercute sur les travailleurs les conséquences de la
guerre économique acharnée qu’il mène. Pour les chefs syndicaux, les
manifestations et les grèves devaient servir à démontrer aux dirigeants
politiques qu’ils doivent compter avec eux et les recevoir. Ce n’est pas un
moyen de mobilisation entre les mains des travailleurs, c’est un moyen de
pression entre les mains des directions syndicales.
Celles-ci ont toutes accepté les
rencontres bilatérales proposées les 16 et 17 mai par Élisabeth Borne, qui
prétend « redonner sa place à la négociation et au dialogue
social ». Pourtant, au même moment, Macron porte de nouveaux coups
visant les chômeurs, les titulaires du RSA, les lycées professionnels. La seule
chose qu’il veut bien discuter, et encore, c’est quel coup sera porté en
premier.
Les millions de travailleurs qui
se sont mobilisés depuis le mois de janvier, parfois pour la première fois,
toutes catégories confondues, tous ceux qui continuent le combat et refusent de
se résigner, doivent tirer bien d’autres leçons de cette expérience : ils
doivent compter sur leur force collective et n’ont rien à attendre des
institutions.
Xavier LACHAU (Lutte ouvrière
n°2859)