Affichage des articles dont le libellé est histoire. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est histoire. Afficher tous les articles

vendredi 12 mai 2023

Insurrection du ghetto de Varsovie. Avril 1943 : les insurgés du ghetto de Varsovie choisissent de mourir debout

Avril 1943 : les insurgés du ghetto de Varsovie choisissent de mourir debout

10 Mai 2023

Varsovie, 19 avril 1943 : 700 jeunes combattants font reculer les SS entrés dans le ghetto juif pour en finir avec ceux qu’ils considèrent comme des sous-hommes. Le commandant de l’opération n’ose pas l’annoncer à Hitler, tant cette première insurrection de la guerre lui paraît inattendue et incroyable.

En 1943, il ne restait à ces insurgés de Varsovie d’autre choix que de subir la barbarie nazie ou de mourir en combattant. D’autres insurrections allaient suivre la même année, dans le ghetto de Bialystok et dans les camps d’extermination de Treblinka et de Sobibor.

Les grandes puissances dites démocratiques étaient entrées en guerre contre l’Allemagne pour défendre leurs intérêts impérialistes et non pour des considérations humanitaires. La Deuxième Guerre mondiale renvoyait toute l’humanité au fond de la barbarie. Pour les Juifs et les Tziganes, c’était le retour au Moyen-Âge, avant l’extermination. Ce n’est cependant pas ce qui intéressait les alliés occidentaux qui, informés dès 1942 du génocide en cours, n’allaitent rien tenter pour l’arrêter.

Dès 1940, à Varsovie, la population juive avait été enfermée dans un ghetto. Au fil de la guerre, plus de 430 000 Juifs durent s’y entasser et les plus pauvres survivaient dans les caves, les escaliers, les cours, n’importe où. Il n’y avait pas assez à manger pour survivre. Les maladies, la misère et la violence engendrés par la situation achevaient ce que la faim avait commencé. Le ghetto devenait un mouroir où chacun pouvait voir son propre avenir en croisant dans la rue le cadavre d’un enfant ou d’un vieillard morts dans la nuit. Les exactions et le sadisme de la soldatesque faisaient le reste.

L’antisémitisme répandu par l’Église catholique polonaise, entre autres, contribuait à diviser et à empêcher la conscience d’un sort commun de part et d’autre des murs. Mais le pire fut de faire gérer le ghetto par un « conseil juif » pour assujettir la population, le Judenrat, disposant d’une police juive de quelque 2 000 hommes chargée de faire régner l’ordre, l’ordre bourgeois et l’ordre nazi. La vie du ghetto reproduisit celle de l’extérieur en plus caricatural et plus misérable. Les notables, les riches, les truands purent se convaincre qu’en payant, ils protégeaient leur vie et celle de leur famille. Ceux-là trafiquaient pour leur propre compte, espérant survivre aux dépens des autres. Les mesures les plus infâmes et jusqu’aux déportations furent ainsi assumées et appliquées par le conseil juif qui se justifiait, comme le font toujours ceux qui s’accrochent à l’ordre établi, par un : « Ce serait pire sans nous ». Des dizaines de milliers de Juifs moururent ainsi, éliminés par l’inégalité sociale, la faim et les maladies avant que n’arrive le pire.

En décembre 1941, les hauts dirigeants nazis, lors de la conférence de Wannsee, planifièrent l’extermination totale des Juifs d’Europe, la « solution finale ». La déportation des Juifs du ghetto de Varsovie vers Treblinka commença en juillet 1942. Le président du Judenrat sut alors que c’était la fin, mais n’en dit rien et se suicida. Les premières personnes envoyées à la mort furent d’abord sélectionnées par les policiers juifs parmi les plus faibles, les plus pauvres, les plus isolées. Au total, en trois mois, 310 000 juifs furent déportés à Treblinka, y compris des policiers juifs qui avaient cru avoir un passe-droit. Les neuf dixièmes de la population du ghetto disparurent.

Dès la création du ghetto, des militants des organisations juives, socialistes, sionistes, avaient tenté d’y faire exister une vie collective : des cantines pour les affamés, des écoles secrètes pour les enfants, des tracts et des journaux clandestins. Certains voulaient avertir du danger et préparer le combat, mais ils se heurtaient au refus d’admettre que la mort était certaine pour tous. À la fin de l’été 1942, ces militants formèrent ensemble l’Organisation juive de combat et s’armèrent, en évoquant pour la première fois l’idée d’une insurrection. Leur premier acte de résistance armée fut l’assassinat du chef de la police juive.

En janvier 1943, il ne restait que 40 000 personnes terrées dans les sous-sols. Le 18 janvier eut lieu le premier affrontement armé entre l’Organisation juive de combat et un groupe de SS. Attaqués à plusieurs angles de rues, ils durent se retirer du ghetto. Le bruit de l’exploit incroyable se répandit au point que la résistance polonaise augmenta ses livraisons d’armes à l’organisation juive.

Le 19 avril au matin, les régiments nazis entraient dans le ghetto pour en finir, sans imaginer qu’ils allaient devoir affronter ces jeunes Juifs, affamés, affaiblis par les privations et l’horreur du quotidien, mais prêts au combat. Armés de cocktails Molotov, de quelques grenades, de pistolets et parfois de munitions, mais surtout de la rage de vouloir faire savoir au monde ce qui se passait, ayant mis fin aux espoirs vains de compromis et rompu avec leurs peurs, ils allaient tenir en échec l’armée allemande durant trois semaines. La population restée dans la ghetto refusait de se rendre et préférait périr en se jetant des immeubles en feu. Tous avaient désormais décidé de mourir debout plutôt que de céder.

Le 1er Mai fut fêté à l’intérieur du ghetto insurgé et l’Internationale résonna une dernière fois. C’est avec des tanks, des canons, des lance-flammes que le ghetto finit par être anéanti le 10 mai. Seuls quelques rescapés purent s’enfuir par les égouts.

Les insurgés du ghetto de Varsovie qui ont choisi de mourir en combattant pour la dignité forcent notre respect. Mais on ne peut leur rendre hommage sans se souvenir que le sort des Juifs de Varsovie et de toute l’Europe ne s’est pas joué en avril 1943. Il s’est joué bien avant, quand il était encore possible de combattre le nazisme et de s’opposer à la marche à la guerre. À ce moment-là, les partis socialistes en Europe, dont le Bund en Pologne, avaient fait croire que le respect de la légalité bourgeoise pouvait protéger du fascisme. C’était désarmer les opprimés en cachant que le nazisme signifiait une politique d’anéantissement des organisations de la classe ouvrière, avec comme corollaire probable la destruction physique des Juifs. Les trahisons de l’Internationale communiste n’étaient pas moindres, car sa politique, imposée par Staline, avait abouti à la tragédie d’une défaite sans combat pour le prolétariat allemand en 1933, puis à l’échec de toutes les révolutions qui auraient pu arrêter la marche à la guerre. Le mouvement ouvrier international s’en était trouvé profondément démoralisé.

80 ans plus tard, on ne peut penser aux combattants de Varsovie sans penser à l’avenir rempli de nouvelles horreurs que réserve à l’humanité le système capitaliste en crise. Une chose est sûre : il faut avoir conscience que ce système fauteur de guerre n’offre que deux voies possibles à l’humanité, le socialisme ou la barbarie. Sans quoi on ne peut qu’être de nouveau désarmé.

                                             Marion AJAR (Lutte ouvrière n°2858)

 

mercredi 10 mai 2023

Toussaint Louverture : Macron trafique l’histoire

Toussaint Louverture : Macron trafique l’histoire

03 Mai 2023

Le 27 avril, Macron s’est rendu au fort de Joux, dans le Jura, pour un discours prétendant rendre hommage à Toussaint Louverture, héros de la lutte contre l’esclavage et pour l’indépendance d’Haïti. C’est dans cette prison glacée qu’il avait été enfermé sans jugement par Bonaparte, et laissé sans soins jusqu’à sa mort le 7 avril 1803.

Le préfet avait interdit toute manifestation sur le lieu du discours, avant d’annuler son arrêté à la dernière minute. Cela n’a pas empêché un escadron de gendarmerie de retenir plus de 200 manifestants à un kilomètre de là. Ainsi carapacé, Macron a pu entonner un hommage à Toussaint Louverture, « combattant inlassable de la lutte pour la liberté », ce qui ne manque pas de sel. Car la filiation d’un Macron, c’est plutôt du côté de l’État français qu’il faut la chercher, le bourreau de Toussaint.

En Haïti, la libération de l’esclavage avait été conquise en août 1793 de haute lutte, par les esclaves eux-mêmes, sous la direction de ­Toussaint, ancien esclave affranchi. Il devint gouverneur de la colonie, et le premier général noir de la République.

Mais bientôt la France voulut rétablir l’ordre. En 1802, Bonaparte réussit à rétablir l’esclavage dans les colonies… sauf à Haïti. Ce fut grâce au soulèvement de tout le peuple, malgré les horreurs et les déchaînements racistes des colons blancs et du corps expéditionnaire envoyé de la métropole.

Au cours de cette lutte, Toussaint Louverture fut fait prisonnier par traîtrise et expédié en prison en France, au fort de Joux. Mais son élimination ne permit pas au corps expéditionnaire de triompher. Son chef, le général Leclerc, écrivit à Bonaparte : « Ce n’est pas tout d’avoir enlevé Toussaint, il y a ici 2 000 chefs à faire enlever. » Un corps expéditionnaire de la plus puissante armée d’Europe, fort de 22 000 hommes et 86 vaisseaux, se heurtait à une population qui avait appris à se battre. Le 18 novembre 1803, la bataille de Vertières, dans le Nord d’Haïti, obligea les troupes envoyées par Bonaparte à capituler et cette première guerre coloniale perdue par la France déboucha sur l’indépendance d’Haïti.

Macron ne sera jamais qu’un valet de la bourgeoisie parmi d’autres, tandis que le nom de Toussaint Louverture continuera d’évoquer un moment glorieux dans le long combat des opprimés pour leur émancipation.

                                                 Jean SANDAY (Lutte ouvrière n°2857)

lundi 5 décembre 2022

Argenteuil, une attraction pour l’histoire locale qui devrait dépasser la nostalgie pour conduire à plus de compréhension de l’évolution historique

Une liaison nécessaire entre l’histoire locale et l’histoire globale

 

 

Cela ne doit pas être propre à Argenteuil. Mais l’engouement pour l’histoire locale est incontestable. On peut en juger par le succès du site Si Argenteuil m’était conté sur Facebook, des associations tels Argenteuil d’hier et d’aujourd’hui (qui est aussi sur Facebook) et de la vieille société historique de la SHAAP (Société Historique Archéologique d’Argenteuil et du Parisis) qui vient de fêter son 100ème anniversaire. Il y a également l’ « Atelier d’histoire » de la MJC et de l’association Sous les couvertures dont je suis un des animateurs.

         La nostalgie est un sentiment humain et louable. Le passé local est un des éléments d’une des identités multiples que nous portons, celle de l’attachement à un lieu fort de beaucoup de choses pour chacun d’entre nous.

         Ces sentiments doivent seulement être aussi source de réflexion et de compréhension, par exemple, et il y en aurait bien d’autres, sur ce que l’on purent vivre les Argenteuillais durant les deux conflits majeurs du XXème siècle. Je pense à ma maman, (95 ans) qui a eu 13 ans en 1939 et qui en avait 18 en 1945. Elle habitait au début de la rue de la Nonaise dans un logement de la SNCF au bord des voies. Il y eut des bombardements visant les triages (celui des bas-Coteaux et celui du Val Notre Dame). Comment pu-t-elle les ressentir à l’unisson des autres habitants d’Argenteuil ? Ce n’est qu’un exemple parmi des milliers qui devraient non seulement être des sujets de description mais mener à des interrogations, telle la suivante : pourquoi les choses étaient ainsi ? Que cherchaient les acteurs de la vie locale ? Quel rapport entre tel ou tel évènement ou situation locale et le contexte historique général ?

         Car l’histoire locale doit être une passerelle avec l’étude générale du passé. Elle doit dépasser la nostalgie pour nous aider à comprendre le présent.

         Dans 30, 50 ans, quelles images diffuseront les Argenteuillais d’alors sur ces années 2020 que nous vivons ? Avec nostalgie encore ? Et peut-être aussi avec joie de connaître autre chose, la société ayant, nous l’espérons, enfin avancé vers plus d’harmonie et de fraternité. DM