dimanche 6 août 2017

Révolution russe de 1917 (suite. 2). En France, la colère contre la guerre


France – 1917 : la colère contre la guerre 

En 1917, après trois années d’une guerre horrible, le mécontentement montait dans tous les pays, sur les fronts comme à l’arrière. En France, des mutineries eurent lieu sur le front. Mais à l’arrière aussi des grèves commencèrent à éclater.
En France, comme dans tous les pays belligérants, les industries avaient accru considérablement leurs activités, et ce d’autant plus que l’État finançait les nouvelles installations des Citroën, Renault, Schneider et autres fournisseurs indispensables des armées. Le nombre d’ouvriers s’en trouva également grossi, tout particulièrement dans les usines liées à l’armement et aux besoins des troupes, comme la métallurgie ou le secteur de l’habillement. Des ouvrières y avaient été embauchées massivement, ainsi que des travailleurs coloniaux ou étrangers, que les patrons avaient fait venir de tous les continents, y compris de Chine, avec le concours du gouvernement.
En août 1914, la classe ouvrière avait été désarmée politiquement par la trahison des dirigeants de la CGT et des socialistes de la SFIO qui, comme leurs homologues de toute l’Europe, s’étaient ralliés à la guerre. Une discipline de caserne pesait également de tout son poids sur le pays. Si nombre d’ouvriers avaient finalement été mobilisés dans les usines sur le « front de la production » en raison de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, ils pouvaient à tout moment être renvoyés vers les tranchées, et donc vers la mort, pour fait de grève, ou être traduits devant un conseil de guerre.
Le gouvernement, le patronat et la presse ne manquaient donc pas d’opposer dans leur propagande l’arrière – non pas les bourgeois, mais les ouvriers présentés comme des embusqués – et les combattants, les poilus qui, eux, risquaient leur vie à tout instant.
Mais, à partir de 1917, en même temps que l’agitation et le mécontentement s’étendaient peu à peu dans les unités du front, la classe ouvrière commença à redresser la tête. On dénombra cette année-là 293 000 grévistes et 696 grèves, contre 41 000 grévistes et 315 grèves l’année précédente.
Ces grèves éclatèrent dès le mois de janvier, puis entre mai et juillet, séparées par un 1er mai qui, pour la première fois depuis le déclenchement de la guerre, revêtit une certaine ampleur. Les femmes, dont les salaires étaient inférieurs d’un tiers à ceux des hommes, furent aux avant-postes de ce combat.
En raison de la flambée des prix, les bas salaires étaient à l’origine de la plupart de ces mouvements. Ainsi, le lait était passé de 30 à 50 centimes le litre, la douzaine de choux de trois à six francs en quelques mois. Dans le même temps, l’État instaura des journées sans viande, le pain et le sucre furent rationnés. Il n’était pas rare non plus dans les familles ouvrières de subir quotidiennement des coupures de gaz et d’électricité.
Les travailleurs mirent aussi à l’ordre du jour la semaine anglaise sur cinq jours, que la CGT avait placée en tête de ses revendications lors de son congrès de 1912. Les premières grèves ouvertement politiques éclatèrent enfin. Ainsi, le 1er mai 1917, à Vienne dans l’Isère, à l’appel de la CGT, une assemblée de 700 ouvrières et ouvriers prit position contre la guerre et vota une motion de soutien à la révolution russe, qui avait éclaté en février. En pleine guerre, et en raison du contrôle de plus en plus serré de l’État sur la production et l’alimentation, tout mouvement revendicatif prenait nécessairement un caractère politique.
La répression fut à la hauteur de ce premier assaut ouvrier et de la peur qu’il inspira au gouvernement. Ainsi, des troupes furent positionnées aux portes de Paris pour prévenir tout mouvement d’ampleur. Puis des centaines de militants ouvriers furent arrêtés et déférés devant les conseils de guerre, d’autres furent expédiés au front ou enfermés dans un camp.
C’est à ce prix que la bourgeoisie française réussit à faire refluer les mouvements de grève, tandis que sur le front les généraux faisaient fusiller pour l’exemple des dizaines de mutins. Mais ce n’était encore qu’une première manifestation, en France, d’une révolte qui montait dans toute l’Europe.

                                                                Pierre DELAGE

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