Le Hamas
: aspirations des masses et calculs des dirigeants
15 Novembre 2023
Les bombardements incessants de
l’armée israélienne sur Gaza jettent la population dans une détresse sans fin
et entraînent un lot effarant de morts et de blessés. Ils sont victimes de
l’application de la loi du talion, décidée par les dirigeants de l’État
israélien avec à leur tête Benyamin Netanyahou.
C’est aussi une réponse au
massacre du 7 octobre à laquelle les dirigeants du Hamas s’attendaient, comme
l’a dit un des porte-parole de sa direction, installé dans la capitale du
Qatar, Doha. Khalil al-Hayya, membre du bureau politique du Hamas, a ainsi
déclaré au New York Times : « Ce qui pouvait changer l’équation,
c’était un coup d’éclat, et on savait que la réaction à ce coup d’éclat serait
forte. » Et d’ajouter : « Nous avons réussi à ramener
l’attention sur la question palestinienne et désormais personne dans la région
ne connaît la paix. » « L’objectif du Hamas n’est pas de
diriger Gaza ni de lui apporter de l’eau, de l’électricité ou quoi que ce
soit. » Pour lui : « Le Hamas, les brigades al-Qassam et
la résistance ont réveillé le monde de son profond sommeil et montré que cette
question devait rester au centre de l’attention. » Quant à l’objectif,
« J’espère que l’état de guerre avec Israël deviendra permanent et que le
monde arabe sera avec nous », a dit Khalil al-Hayya.
De son côté, Ghazim Hamad, un
autre dirigeant du Hamas, après avoir dit à la chaîne de télévision libanaise
LBC que le 7 octobre n’était que le premier d’une longue série, a ajouté :
« Devrons-nous en payer le prix ? Oui, et nous sommes prêts à le payer…
Nous sommes fiers de sacrifier des martyrs. »
Qui sont les martyrs ? Par
qui et pour quels objectifs sont-ils sacrifiés ? Les milliers de morts de
Gaza, les dizaines de milliers de blessés, les souffrances infligées ne résultent
pas d’un choix de la population gazaouie. Elle est la victime de l’intervention
armée, des choix des dirigeants israéliens, soutenus par ceux de l’impérialisme
américain, mais aussi de ceux des dirigeants du Hamas, pour qui, visiblement,
le fait de gouverner Gaza n’est qu’une opportunité à utiliser pour leurs
objectifs politiques.
Les responsables du Hamas avouent
ainsi que leur but n’est pas d’améliorer le sort de la population de Gaza,
« de quelque façon que ce soit ». Ils voudraient seulement que l’appareil
politico-militaire qu’ils dirigent trouve sa place et soit admis dans le
concert des États du Moyen-Orient.
L’exploitation forcenée des
richesses accompagnée de la négation des droits élémentaires, de la spoliation
et de l’humiliation des populations engendrent de nombreuses révoltes non
seulement en Palestine, mais dans toute la région, et dans le monde. Ce
potentiel révolutionnaire a jusqu’ici été capté et dilapidé par des dirigeants
bourgeois ou petits-bourgeois, qui ont sacrifié les intérêts de leurs propres
populations pour s’approprier quelques avantages, comme le fait de pouvoir
gérer leur propre État, ou d’encaisser quelques royalties.
Dans un monde dominé par
l’impérialisme, le nationalisme des dirigeants petits-bourgeois ne va pas plus
loin, car ils n’envisagent pas une seconde de remettre en cause l’exploitation
capitaliste. Le Hamas ne déroge pas à cette règle, et ses dirigeants
l’annoncent avec cynisme. Les dirigeants israéliens eux-mêmes, tout en
annonçant pour leur public qu’ils veulent « détruire le Hamas »,
négocient d’ailleurs avec lui, comme ils l’ont déjà fait dans le passé. Cette
fois, il pourrait s’agir pour le Hamas de libérer des otages en échange de la
libération d’un certain nombre de prisonniers palestiniens d’Israël, voire
d’une cessation des bombardements sur Gaza. C’est là tout ce que les
populations palestiniennes peuvent espérer de telles négociations.
Paul SOREL (Lutte ouvrière n°2885)