Mer Rouge
: escalade guerrière
20 Décembre 2023
En riposte aux drones lancés par
les rebelles houthis du Yémen contre des navires de commerce occidentaux en mer
Rouge, les États-Unis ont annoncé une coalition maritime internationale pour
sécuriser cette autoroute de la mer.
Derrière les États-Unis, dix pays
dont la France, l’Italie et le Royaume-Uni, mais ni l’Égypte ni l’Arabie
saoudite pourtant voisines, viendraient jouer les Gardiens de la prospérité, en
fait les shérifs de la mer Rouge. Cette annonce est un pas de plus dans
l’escalade guerrière au Moyen-Orient.
L’attaque du Hamas, puis la
riposte israélienne, impitoyable et disproportionnée, ont changé la donne dans
la région. Elles ont modifié les relations entre les puissances régionales,
Iran, Arabie saoudite, Égypte ou encore Turquie. Chacune cherche à défendre ses
intérêts dans cette région rendue instable et explosive par les grandes
manœuvres permanentes des puissances impérialistes.
Les rebelles houthis du Yémen,
soutenus par l’Iran, sont en guerre depuis huit ans contre le gouvernement
yéménite officiel, armé et financé, lui, par l’Arabie saoudite. Ils contrôlent
la région autour de la capitale Sanaa et surtout le port d’Hodeida sur la mer
Rouge, à proximité du détroit stratégique de Bab el-Mandab. Peu avant le 7
octobre, l’Arabie saoudite avait renoué des relations officielles avec l’Iran
et cherchait à mettre un terme à cette guerre, terriblement meurtrière
(400 000 morts !) et sans issue. Elle s’apprêtait aussi à signer un
accord politique et commercial avec Israël. Le redémarrage de la guerre en
Palestine a interrompu les deux processus. L’Arabie saoudite ne peut plus, pour
l’instant, pactiser avec Israël, tandis que l’Iran et ses alliés, le Hezbollah libanais
ou les Houthis yéménites, apportent leur soutien au Hamas et dénoncent
l’écrasement des Gazaouis.
Pour autant, malgré la propagande
des dirigeants occidentaux et de leurs perroquets des médias, l’Iran et ses
alliés ne sont pas les plus va-t-en-guerre. Au Liban, le Hezbollah retient ses
coups depuis deux mois. Quant aux tirs de drones ou de roquettes contre des
cargos occidentaux, ils sont surtout un moyen pour les Houthis de montrer
qu’ils sont capables de perturber cette voie maritime majeure où passent
12 % du commerce mondial et 60 % des importation européennes. Si
quatre grandes compagnies maritimes, Maersk, CMA-CGM, Hapag-Lloyd et MSC ont
décidé de ne plus emprunter cette voie pour rejoindre l’Europe mais de
contourner l’Afrique, c’est autant pour des raisons de gros sous que de
sécurité. Comme toujours dans l’économie capitaliste, chaque aléa est utilisé
par certains acteurs pour augmenter leurs profits. Ainsi les compagnies
d’assurance ont-elles immédiatement décuplé les primes sur la mer Rouge,
amenant des transporteurs à préférer le contournement de l’Afrique, même si
cela ajoute dix jours de navigation pour un voyage Chine-Europe et quelques
frais supplémentaires.
Toute l’industrie fonctionnant en
flux tendu, ces délais se répercuteront dans l’économie. Mais les surcoûts
seront en fin de compte payés par les consommateurs tandis que les compagnies
maritimes augmenteront leurs prix et leurs profits. Le cours boursier de
Hapag-Lloyd a d’ailleurs grimpé de 9,4 % en une seule journée.
L’annonce de cette coalition
navale occidentale illustre comment les grandes puissances veulent continuer à
imposer leur loi partout sur la planète. Quand les intérêts commerciaux sont en
jeu, cela compte bien plus que des milliers de morts à Gaza. Et tant pis si cela
aiguise encore les conflits dans une région qui n’en manque déjà pas.
Xavier LACHAU (Lutte ouvrière
n°2890)