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lundi 26 juillet 2021

Trotsky n’est pas coupable, Éditions Syllepse, bonnes lectures de l’été 2021 (25)

Chaque jour jusque fin août, je vous propose une référence de mes bonnes lectures d’un an, depuis les grands vacances 2020, et celles que je découvrirai lors de mes lectures du présent été. Bonnes lectures d'aujourd'hui donc, et à demain. DM 

Le combat de Trotsky contre le stalinisme

 

 

Pour les vacances, ce n’est certes pas une lecture légère, mais elle est passionnante. En l’occurrence, il s’agit du procès-verbal de la Commission Dewey, du nom du grand pédagogue états-unien qui la dirigea. Cette commission se réunit en avril 1937 à Mexico pour juger les allégations absurdes des accusés des Procès de Moscou (1936-1938) qui avouèrent avoir sur l’instigation de Léon Trotsky, l’accusé principal mais absent (il a été expulsé en 1929 d'Union soviétique), organisé des actes terroristes, des sabotages, ou encore avoir pactisé avec les États fascistes d’alors.

         Pour tous ceux qui connaissaient les accusés et qui réfléchissaient, cela parut incroyable. Mais partout, en France comme ailleurs, les directions des partis communistes stalinisés furent les auxiliaires de la machination et en partagent a posteriori la honte. L’Humanité en fut le complice zélé. Nombre de militants suivirent et gobèrent les insanités. D’où l’existence de différentes enquêtes pour rétablir la vérité, avec les petits moyens du mouvement trotskyste international d’alors, mais grâce à l'engagement, comme John Dewey, de défenseurs de la vérité.

         Ces plus de 500 pages sont passionnantes. Elles démontent comme de bien entendu les affabulations de Staline, de la bureaucratie et de leurs valets. Mais elles reviennent également sur les péripéties du mouvement ouvrier international depuis la fin du XIXème siècle, sur la fondation de l’Union soviétique, mais aussi sur les évènements d’alors, l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933, mais également sur la révolution en cours en Espagne où en avril 1937 rien n’était encore totalement joué. Également, en incidence, on lit avec bonheur à travers les échanges nombre de raisonnements du dirigeant révolutionnaire, et la marque de sa confiance absolue dans la capacité des travailleurs conscients du monde pour abattre le capitalisme et aller vers une phase nouvelle de l’humanité, le communisme.

 

         Une amie et lectrice d’Argenteuil s’interrogeait ces jours derniers sur le recul militant actuel. Voilà un livre réconfortant sur le grand drame du stalinisme dont le mouvement ouvrier ne s’est toujours pas remis. Une lecture qui donne nombre de réponses et qui peut que stimuler notre réflexion et notre action pour sa reconstruction. DM

dimanche 3 janvier 2021

Trotsky, Lallement, et nos vœux 2021 : son ordre et le nôtre

Vive la révolution des travailleurs

 



Lallement, préfet de police de Paris, a cité …Trotsky dans sa carte de vœu officielle. Il ne peut ignorer pourtant que Trotsky a combattu sans relâche les serviteurs de la bourgeoisie dont ce Lallement est un des fleurons. Ce que retient ce préfet dans la citation de Trotsky, c’est le mot « ordre ». Sauf qu’en 1918, l’ordre dont parlait Trotsky, au moment où une guerre civile commençait contre le jeune pouvoir soviétique et dans laquelle l’armée française intervenait aux côtés des contre-révolutionnaires, était un ordre qui expropriait les capitalistes. L’ordre que défend Lallement, c’est tout l’inverse. Lui, le défenseur des violences policières, lui, le chasseur de migrants, défend un ordre qui décuple la misère en cette période de crise économique.

Alors, tout ce que l’on peut souhaiter pour les Lallement et leur camp, en cette année qui s’ouvre, c’est que la menace d’un ordre imposé par les travailleurs et les pauvres commencent à les faire trembler !

 

Avec la nouvelle interface de Blogspot, malgré mes paramètres, il arrive que mes 5 articles du jour apparaissent sur deux pages voire sur trois pages. Pour lire les 5 articles, cliquez en bas de la première page sur « articles plus anciens). DM

 

jeudi 20 août 2020

Léon Trotsky : 80ème anniversaire de son assassinat : Trotsky assassiné, mais pas ses idées ! Un article de notre hebdomadaire Lutte ouvrière à paraître


Trotsky assassiné, mais pas ses idées !

19 Août 2020

Il y a quatre-vingts ans, le 20 août 1940, Ramon Mercader, un tueur envoyé par Staline assassinait d’un coup de piolet Léon Trotsky, exilé au Mexique.
Ainsi disparaissait la dernière grande figure d’une génération révolutionnaire, celle de Lénine, Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht et des bolcheviks qui avaient assuré le succès de la révolution prolétarienne en Russie en 1917.
Trotsky était un concentré d’expérience révolutionnaire. Déjà en 1905, président du soviet de Petrograd, il avait inspiré l’action du premier conseil ouvrier de la capitale. Après la révolution de février 1917, raconte un témoin, il « courait de l’usine Oboukhovski à l’usine Troubotcheny, de l’usine Poutilov à l’usine de la Baltique, du Manège à la caserne, on aurait dit qu’il parlait partout à la fois. Chaque soldat et chaque ouvrier de Petrograd le connaissait et l’écoutait. Son influence sur les masses et même sur les chefs était irrésistible. » Cette activité, en complet accord avec Lénine, fit écrire à Staline en 1918 : « Tout le travail d’organisation pratique de l’insurrection fut accompli sous la direction immédiate du camarade Trotsky. » Cela n’empêcha pas le même d’affirmer six ans plus tard que « Trotsky n’avait joué aucun rôle dans la révolution d’Octobre » !
À l’été 1918, les puissances impérialistes, en tête la France de Clemenceau et l’Angleterre de LLoyd George, intervinrent militairement en Russie pour tenter d’isoler le pays et le condamner à périr d’inanition, soutenant les armées blanches qui voulaient rétablir le tsar. La guerre civile dura jusqu’en 1921. L’État ouvrier manquait de tout, mais Trotsky réussit à mettre sur pied une armée révolutionnaire d’ouvriers et de paysans, qui allait l’emporter. Il donna la clé de cette réussite : « Pour notre armée, le ciment le plus fort ce furent les idées d’Octobre. » Comme le dit un paysan enthousiaste : « Les Rouges étaient prêts à donner leur vie pour le monde des soviets, un monde sans mendiants ni infirmes. »

Pour la révolution mondiale

Pour Lénine et Trotsky, la révolution ne pouvait survivre qu’en s’étendant à des pays développés, comme l’Allemagne. En 1919, les bolcheviks jetaient les bases de l’Internationale communiste, pour regrouper les militants qui dans différents pays rejetaient les dirigeants socialistes ou syndicalistes qui avaient soutenu leur bourgeoisie pendant la Première Guerre mondiale. Dans la période des quatre premiers congrès de l’Internationale, Trotsky y joua un rôle majeur.
Cependant la vague révolutionnaire du lendemain de la Première Guerre mondiale ne déboucha pas sur une victoire du prolétariat ailleurs qu’en Russie. Dans un pays exsangue, seul continuait à fonctionner l’appareil du parti, ne cessant de croître et attirant ceux qui, fatigués de la lutte, y voyaient un moyen de faire carrière. Staline, le patron de cet appareil, intriguait pour écarter les militants restés fidèles à l’objectif de la révolution mondiale. Lénine et Trotsky perçurent ce danger et décidèrent dès 1922 de s’y opposer. Mais la maladie puis la mort allaient emporter Lénine en 1924.
En 1923, Trotsky publia Cours nouveau, qui critiquait le poids croissant de la bureaucratie au sein de l’État ouvrier, demandait le retour de la démocratie dans le parti et la mise en œuvre de l’industrialisation et d’un plan. Une déclaration signée par 46 autres dirigeants allait dans le même sens. Le combat de l’Opposition de gauche russe commençait. Trotsky et ses camarades, dans le recul général du mouvement ouvrier, malgré la lassitude et le découragement des travailleurs en Russie et ailleurs, défendirent pied à pied l’État ouvrier, son avenir et celui de la révolution mondiale. L’opposition critiqua en particulier la politique économique de la direction stalinienne et l’orientation de l’Internationale qui, en 1927, avait conduit à la défaite de la révolution ouvrière en Chine. Beaucoup d’opposants furent alors écartés de toute responsabilité et déportés. Trotsky se retrouva à 4 000 kilomètres de Moscou, puis fut expulsé en Turquie en 1929. L’appareil stalinien multiplia les purges, déportant par dizaines de milliers les opposants restés fidèles au communisme.

Le combat contre le stalinisme

Expulsé, Trotsky entama une vaste correspondance destinée à regrouper tous les communistes conscients que Staline trahissait la révolution et lança un Bulletin de l’Opposition destiné à l’URSS. La Révolution permanente, Histoire de la révolution russe, Ma vie, La Révolution trahie et de nombreux autres textes restent comme le concentré d’une expérience révolutionnaire capitale.
Jusqu’en 1933, les trots­kystes luttèrent pour tenter de redresser les partis communistes et l’Internationale. Mais, en 1933, la défaite sans combat du mouvement ouvrier allemand face aux nazis et l’absence de réactions dans l’Internationale face à l’orientation politique fixée par Staline, qui avait empêché toute véritable riposte ouvrière à la montée de ­Hitler, signifiaient que celle-ci était morte et qu’il fallait en construire une nouvelle.
Pour Trotsky, la victoire du nazisme annonçait aussi une guerre mondiale. Le temps était compté. Le sursaut ouvrier des années trente, aux États-Unis, en France et en Espagne, fut de courte durée. La IVe Internationale fut proclamée en septembre 1938, dans une période de recul. Son programme, le Programme de transition, devait armer les militants ouvriers en prévision d’une nouvelle période révolutionnaire. À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le front de l’impérialisme et de la bureaucratie stalinienne réussit à empêcher une nouvelle vague ouvrière révolutionnaire. Le programme n’en reste pas moins actuel.
Avec les procès de Moscou, mis en scène de 1936 à 1938, Staline liquida la génération d’Octobre et déversa mensonges et calomnies contre Trotsky et son fils Léon Sedov, dénoncés comme responsables de tout ce qui ne marchait pas en URSS et prétendus alliés d’Hitler et Mussolini ! Une commission, présidée par l’universitaire libéral américain Dewey, permit à Trotsky de réfuter ces calomnies, mais le message était clair : l’appareil stalinien voulait la tête de Trotsky et de ses proches. Avant lui, Sedov et plusieurs collaborateurs furent assassinés.
En relevant le drapeau de l’internationalisme, c’est-à-dire la nécessité pour le prolétariat d’étendre la révolution au monde entier, seule façon de venir à bout de la dictature du capital sur l’humanité, Trotsky assurait la continuité de la tradition marxiste. Or, pour que la bureaucratie dirigeant l’URSS puisse prétendre parler et agir au nom du prolétariat, tout en lui tournant le dos de fait, il lui fallait supprimer ceux qui dénonçaient cette usurpation. Staline et la caste dirigeante soviétique craignaient que, malgré leurs efforts pour effacer le souvenir d’Octobre, il subsiste une voix qui permette de poursuivre et d’organiser la lutte contre le capitalisme et contre la bureaucratie.
En faisant assassiner Trotsky, Staline portait un coup sévère au mouvement ouvrier révolutionnaire, en le privant de son dirigeant le plus expérimenté. Mais, quatre-vingts ans après sa mort, le courant trotskyste existe toujours. Il est certes faible, divisé, et manque de liens avec le monde ouvrier, mais les idées trotskystes représentent toujours l’espoir de la révolution prolétarienne, seule capable d’envoyer le capitalisme rejoindre le stalinisme dans la poubelle de l’Histoire.
                                      Jacques FONTENOY (Lutte ouvrière n°2716)

Une photo du Mexique. Merci à Délibéré.fr. Léon Trotsky avec Natalia Sedova sa compagne, Alfred Rosmer et son épouse, et le petit-fils de Trotsky, Sieva.
 
                                                                         

 

jeudi 21 février 2019

Léon Trotsky, Netflix et le gouvernement russe unis dans la calomnie anti-Trotsky

Léon Trotsky au milieu d'un groupe de membres de l'Opposition de Gauche


Netflix et le gouvernement russe unis dans la calomnie anti-Trotsky

Esteban Volkov, petit-fils de Trotsky, et le Centre d’Etudes, de Recherches et de Publications-CEIP León Trotsky d’Argentine et du Mexique s’élèvent, aux côtés de dizaines de personnalités, pour réfuter les calomnies portées contre le révolutionnaire russe dans la série « Trotsky », retransmise par Netflix.
Netflix, entreprise étatsunienne, propose la série Trotsky, réalisée par Alexander Kott et Konstantin Statsky. Rossiya 1, la chaîne la plus regardée en Russie, l’avait sortie en novembre 2017. Pour le centenaire de la Révolution russe, Vladimir Poutine, président de la Fédération de Russie et contrôlant, par conséquent, Rossiya 1, avait choisi Trotsky comme sujet principal de cette superproduction en huit épisodes.
Compte-tenu du passé stalinien de Poutine, à la tête du KGB, et du fait qu’il ne cache pas sa nostalgie à l’égard de la Grande-Russie tsariste, on ne pouvait attendre qu’une telle série présente de façon honnête et objective la personnalité et l’œuvre de celui qui, avec Lénine, a été le plus important dirigeant de la Révolution d’Octobre. En ressortant les vieilles calomnies anti-Trotsky, quel est l’objectif de Poutine ? Pourquoi falsifier le passé et les révolutionnaires, alors que le pays a avancé dans la restauration capitaliste et que rien ne semble s’opposer à la nouvelle bourgeoisie russe ni à Poutine, au pouvoir depuis dix-huit ans ? Pourquoi Netflix, dont l’audimat se compte en millions d’abonnés, a choisi de retransmettre cette série ?

Voici quelques-unes des falsifications qu’elle véhicule :

1.      D’après les réalisateurs, il ne s’agit pas d’un documentaire, même s’ils affirment s’être inspirés de faits réels pour écrire Trotsky. Cependant, la série a recours aux mêmes falsifications qu’utilisaient les impérialistes, le tsarisme ou le stalinisme pour calomnier Trotsky et ses partisans alors qu’avançait la bureaucratisation de l’URSS. Toutes ces calomnies ont été réfutées par la Commission Dewey réunie spécialement à Mexico, en 1937, et constituée de personnalités indépendantes.

2.    A l’encontre de la vérité historique et de la vision que pouvaient avoir de lui, à l’époque, ses proches mais y compris des personnes ne lui étant pas favorables, Trotsky est dépeint comme une personnalité égocentrique, messianique, autoritaire, inhumaine, envieuse, autant de caractéristiques qui seraient liées à ses origines juives, sans cesse rappelées dans la série. Au cours de sa vieillesse, il souffre d’hallucinations, étant rongé par le remord des crimes qu’il aurait commis pendant la révolution.

3.    Jacson (Ramón Mercader) est présenté comme un stalinien honnête, doté d’esprit critique et de sensibilité, et qui établit un rapport réel avec Trotsky dans l’idée d’écrire sa biographie, ce à quoi ce dernier accède, dans la série. En réalité, Trotsky ignorait tout des liens de Jacson avec le stalinisme. Leurs rapports n’ont jamais été que très brefs, toujours sur demande de Mercader qui, en tant qu’agent du NKVD, avait été chargé par Staline d’assassiner Trotsky.

4.    Au cours des deux révolutions russes la série montre des ouvriers, des paysans, des soldats, le peuple russe, manipulés par des dirigeants ambitieux tels que Lénine ou Trotsky et qui prennent des décisions en leur nom. En 1905, les soviets sont présentés comme de simples théâtres pour y faire entendre leurs discours. La lutte de classes n’existe pas. Tout est affaire d’affrontement et de vengeance entre individus. Mais la révolution de 1917 n’a pas seulement été l’un des mouvements de masses les plus importants et radicaux de l’histoire contre le tsarisme, mais également contre le gouvernement bourgeois provisoire et face à la contre-révolution de Kornilov. Elle a restauré le pouvoir des soviets, qui ont vu la participation centrale des exploité.es et des opprimé.es, dirigés par le Parti Bolchévique. La série, à l’inverse, présente la révolution comme une lutte mesquine pour le pouvoir, et les révolutionnaires comme des psychopathes manipulateurs.

5.     La série ment également sur les rapports de Trotsky aux femmes. Une grande bolchévique comme sa première épouse, Alexandra, est dépeinte comme une femme au foyer que Trotsky aurait abandonné avec ses deux filles. Natalia, sa seconde épouse, conquiert Trotsky grâce à sa beauté. Après leur mariage, elle se transforme, tour à tour, en sa secrétaire personnelle et, elle aussi, en femme au foyer, absorbée par l’éducation de ses enfants dont Trotsky ne s’occupe aucunement et qu’il utilise y compris comme bouclier humain lors d’une tentative d’assassinat qui aurait eu lieu pendant la révolution. Alors que la série occulte le rôle du stalinisme dans la mort de ses quatre enfants, leur disparition serait l’une des fautes qui poursuivent Trotsky jusqu’à son propre assassinat. Larissa Reisner est présentée comme une femme fatale, accompagnant (sexuellement, surtout) Trotsky dans le train blindé et faisant office de secrétaire particulier. La réalité est tout autre. Alexandra Sokolovskaïa était la dirigeante du premier cercle marxiste auquel Trotsky adhéra alors qu’il avait seize ans. Tous deux furent déportés en Sibérie avec leurs deux filles. C’est Sokolovskaïa qui aida Trotsky à s’évader, choisissant, elle, de rester en Russie. Natalia Sedova appartint au commissariat soviétique à l’Education après la révolution. Les enfants soutinrent toujours le militantisme de leurs parents, notamment Léon Sédov, l’un des principaux collaborateurs de Trotsky et l’un des principaux organisateurs de l’Opposition de Gauche russe dans la clandestinité. Larissa Reisner, elle, écrivit à propos de la guerre civile, mais pas à partir du train blindé. Elle joua un rôle important au sein de la Cinquième armée, tout comme au cours de la révolution. Elle s’embarqua avec la flotte de la Volga, prit part aux combats et participa à la révolution allemande. Ce fut l’une des principales militantes bolchéviques jusqu’à sa mort, en 1926.

6.    La relation entre Trotsky et Lénine, avant la révolution, est présentée comme une lutte entre égos faite d’accords de circonstances, au point où Lénine tente de faire chuter Trotsky d’un balcon. Staline, dans la série, est présenté quant à lui comme le secrétaire de Lénine. Au moment de l’insurrection d’Octobre, Lénine, caché, ne refait son apparition que lorsque Trotsky se demande où il se trouve, et après la victoire de la révolution. La série occulte le fait que Lénine menait un combat au sein du Comité Central du Parti bolchévique à propos du lancement nécessaire et immédiat de l’insurrection, de même que son accord avec Trotsky au sujet du fait qu’il s’agirait-là du début de la dictature du prolétariat. On songera au fait que, historiquement, à la suite de la prise du pouvoir et en attendant l’ouverture du Congrès des soviets, c’est côte-à-côte que Lénine et Trotsky règlent les derniers détails. Pour ce qui est de la véritable vision de Lénine au sujet de Staline, il suffit de lire son « Testament », ainsi que ses critiques au sujet des méthodes « chauvinistes grand-russes », à propos de la question géorgienne.

7.     Au cours des négociations de Brest-Litovsk avec l’Empire allemand, Trotsky, dans la série, donne l’ordre de distribuer des tracts subversifs afin de provoquer une révolte contre le Kaiser, ce qui aurait échoué et justifié l’offensive allemande. Les principaux opposants à la signature du traité sont, toujours dans la série, les anciens généraux tsaristes et non, comme cela a été véritablement le cas, les Socialistes Révolutionnaires. Jacson accuse Trotsky de ne pas avoir défendu la Russie avec les Cosaques. La série oublie que c’est le Congrès des Soviets qui avait approuvé le décret sur la paix pour mettre fin à la guerre, l’une des grandes revendications des masses ; et que face à l’absence de réponse des alliés la Russie soviétique dut engager des négociations avec l’Allemagne où la social-démocratie appuyait le bellicisme de son propre impérialisme. Lénine autant que Trotsky voyaient les négociations de Brest-Litovsk comme une tribune en faveur de la révolution mondiale, notamment de la révolution en Allemagne.

8.    Lorsqu’on lui demande de construire l’Armée rouge, Trotsky est présenté, depuis le train blindé, comme une sorte de rock-star, à mi-chemin entre le sex-symbol et l’assassin qui approuve même un massacre de civils au cours d’un enterrement. En 1918, selon la série, une révolte se prépare à Kronstadt. La révolte, en tant que telle, éclata en 1921. Dans la série, cependant, Trotsky invente des accusations et présente de faux témoins pour faire appliquer la peine de mort contre son dirigeant. Pour ce qui est de la guerre civile, la série ne fait mention que de l’offensive tchèque sans parler des quatorze armées impérialistes et des armées blanches pro-tsaristes contre lesquelles l’Armée rouge dut combattre sur l’immensité du territoire soviétique. Aucune mention, non plus, des années de blocus économique impérialiste, ou du fait que la flotte ennemie a pu n’être qu’à 30 km de Petrograd. Pour ce qui est de Kronstadt il faut prendre en compte que la composition de la garnison, lors de la révolte, était absolument distincte de celle de 1917, lorsque ses marins avaient été l’avant-garde de la révolution. L’une des confirmations du caractère contre-révolutionnaire de la révolte était le fait qu’elle avait été annoncée, deux semaines à l’avance, dans la presse internationale et les gazettes d’exilés russes. Trotsky signalera également la réaction haussière des marchés lorsque fut faite l’annonce du soulèvement de Kronstadt.  

9.    A aucun moment la série ne fait mention de la fondation de la III° Internationale. Trotsky déclare cependant que son objectif est de conquérir le monde. Pour la série, toujours, l’histoire de la révolution s’achève avec la mort de Lénine. L’Opposition de Gauche, la contre-révolution stalinienne, les procès de Moscou, rien de cela n’existe, pas plus que l’arbitraire carcéral, les tortures, les déportations en camps de concentration et les assassinats que subirent la quasi-totalité des dirigeants bolchéviques de la révolution et toutes celles et tous ceux qui étaient soupçonnés de défendre une ligne oppositionnelle vis-à-vis du régime bureaucratique. Renversant l’histoire, tous les crimes sont attribués à Trotsky, y compris l’exécution des Romanov. Il s’agit d’un énième mensonge puisque ni Lénine ni Trotsky ne donnèrent cet ordre.

10.                       Ce n’est qu’au dernier épisode qu’apparaît la véritable identité de Jacson. Trotsky, malade, demande à Jacson d’entrer chez lui alors qu’un télégramme en provenance de l’ambassade du Canada l’informe de son identité. Trotsky frappe alors Jacson-Mercader, qui lui répond en saisissant un piolet qui est pendu au mur de la chambre où se trouvent les deux hommes. La série suggère par conséquent que c’est le révolutionnaire russe qui aurait tout fait pour que le soi-disant journaliste l’attaque. La manière dont l’attentat est présenté est donc une nouvelle falsification. En effet, on sait que Staline souhaitait faire assassiner Trotsky avant le début de la Seconde Guerre mondiale dans la mesure où il savait qu’un conflit aurait pu engendrer une révolution politique en URSS. C’est pour cette raison et en fonction de la perspective de la révolution sociale dans les pays capitalistes que Trotsky et ses partisans fondèrent la IV° Internationale. On songera au fait que lors d’une entrevue, en août 1939, entre Hitler et l’ambassadeur français à Berlin, Coulondre, le Führer avait déclaré qu’en cas de guerre, « le vrai gagnant [serait] Trotsky ». C’est le nom que les bourgeoisies impérialistes avaient donné au spectre de la révolution. La série, par conséquent, est la justification de l’assassinat du soi-disant monstre appelé Trotsky.

11.   

Les signataires de ce texte rejettent ces falsifications de l’histoire qui tentent d’enterrer l’évènement le plus important du point de vue de la lutte pour l’émancipation des classes laborieuses de l’exploitation et de l’oppression capitalistes, de même qu’elles cherchent à occulter le legs de ses principaux dirigeants.

Esteban Volkov, petit-fils de Trotsky
Centre d’Etudes, de Recherches et de Publications-CEIP León Trotsky (Argentine-Mexique)

Bien évidemment, Nathalie Arthaud, porte-parole nationale de Lutte ouvrière, Arlette Laguiller, Armonia Bordes et Chantal Cauquil, anciennes euro-députées, ont signé ce texte pour Lutte Ouvrière