Brésil :
le coup du 8 janvier et la menace d’extrême droite
11 Janvier 2023
Dimanche 8 janvier, quelques
milliers de partisans de Bolsonaro ont pris et saccagé les sièges des
institutions fédérales, Congrès, palais présidentiel et Cour suprême, qui
encadrent la place des Trois-Pouvoirs, à Brasilia.
Sous le mot d’ordre
« Intervention de l’armée ! », ils ont célébré à leur manière le
huitième jour de l’entrée en fonction de Lula, le 1er janvier.
Leur action n’a guère dû
surprendre les autorités du District fédéral. Depuis le 31 octobre 2022,
lendemain de l’élection, ils étaient des centaines à camper à Brasilia devant
les locaux de l’état-major de l’armée pour réclamer l’intervention des
militaires. Il était prévu de les expulser mais, manifestement, personne
n’était pressé de le faire. Samedi 7 janvier, des milliers de bolsonaristes
venus de tout le pays les ont rejoints, à bord de plus de cent cars. Le centre
de la capitale était en principe interdit d’accès. Cela ne les a pas empêchés
de l’occuper puis de se diriger vers les sièges du pouvoir, complètement vides
un dimanche, renversant quelques barrières et bousculant quelques policiers
débordés, dont certains sympathisaient sans doute avec eux.
Les dirigeants de la police
locale à coup sûr étaient complices. Le responsable de la sécurité publique du
District fédéral n’est autre que l’ex-ministre de la Justice de Bolsonaro.
Quant au gouverneur de l’État, c’est aussi un ex-bolsonariste. Rien d’étonnant
qu’ils n’aient rien voulu voir venir et qu’ils aient réagi aussi mollement.
Pourtant cette émeute se préparait ouvertement sur les réseaux sociaux depuis
une semaine. Ces responsables sont maintenant tous les deux suspendus de leurs
fonctions. Mais combien de leurs amis et complices restent en poste dans
l’administration, l’armée, la police, les douanes ? Au sein même du
gouvernement nommé par Lula, plusieurs ministres sont issus du camp de
Bolsonaro, sans compter tous ceux qui avaient fait campagne pour lui en 2018.
Les émeutiers du 8 janvier
contestaient l’élection de Lula et dénonçaient la complicité de la Cour suprême
dans ce qu’ils considèrent comme un scrutin « volé ». Leur héros,
Bolsonaro, qui était parti deux semaines auparavant en Floride, a déclaré
n’être au courant de rien et les a officiellement désavoués, non sans une
touche d’hypocrisie, accusant la gauche d’être tout aussi coupable.
Il apparaît que, par cette action
spectaculaire, les émeutiers voulaient pousser l’armée à intervenir et
espéraient que les généraux de l’état-major destituent Lula et prennent le
pouvoir par un coup d’État, comme ils l’ont déjà fait en 1964. Cela n’a pas eu
lieu car aujourd’hui ces généraux ne semblent pas désireux de le faire. La
bourgeoisie dans son ensemble fait confiance à Lula pour défendre ses intérêts,
comme il l’a fait à la présidence de 2003 à 2010. Une bonne partie des
politiciens bolsonaristes ont soutenu Lula à cette occasion et sont prêts à
collaborer avec lui.
Le nouveau président est en
quelque sorte sous surveillance. La bourgeoisie attend de lui qu’il gère la
crise et se serve de son crédit pour faire accepter aux classes populaires une
politique qui ne pourra que provoquer le mécontentement. Or les événements du 8
janvier, venant après la campagne électorale, confirment non seulement
l’audience des bolsonaristes, mais aussi qu’ils se tiennent prêts à agir. C’est
une carte politique entre les mains des possédants brésiliens, non seulement
pour faire pression sur Lula, mais aussi au besoin pour l’abattre.
Dans tous les cas, les classes
populaires devront compter sur leur propre action pour imposer leurs intérêts
et non sur un sauveur suprême, fût-il nommé Lula.
Vincent GELAS (Lutte ouvrière n°2841)