En Algérie, le pouvoir face aux
manifestations de solidarité avec les Palestiniens
01 Novembre 2023
En Algérie, alors que le pouvoir
se targue d’être un soutien historique et sans faille à la cause palestinienne,
il a fallu attendre le jeudi 19 octobre pour qu’il autorise des manifestations
de soutien à celle-ci. Mais, face à l’émotion provoquée par les images en
provenance de Gaza et pour canaliser une colère qui risquait de devenir
incontrôlable, le gouvernement a dû lâcher du lest.
Depuis le début de la nouvelle
guerre, comme dans tous les pays arabes, la population algérienne est connectée
sur Gaza et ce qui se passe dans les pays voisins et au Moyen-Orient. Dès le 13
octobre, suite à des appels à manifester relayés sur les réseaux sociaux, des
rassemblements non autorisés ont eu lieu à Djelfa, Laghouat ou Sétif. À Alger,
dans le quartier très populaire d’El Harrach, une manifestation a eu lieu dans
l’enceinte de la mosquée, accompagnée de chants islamistes. D’importants
dispositifs policiers déployés sur des places stratégiques et près des lieux de
prière ont contenu et dispersé ces rassemblements.
Dans la nuit du 17 octobre, après
les bombardements sur l’hôpital Al Ahly de Gaza, d’importantes manifestations
spontanées ont eu lieu à Oran et Laghouat. Confronté à l’émotion grandissante
et sous le feu de la critique des islamistes, le gouvernement a finalement
autorisé une manifestation jeudi 19 octobre. Le syndicat UGTA ainsi que de
nombreuses forces politiques s’en sont faits les relais, du FLN à des partis
tels que le FFS, en passant par les partis islamistes (MSP, Taj et Islah).
À Alger, cette manifestation a
rassemblé plusieurs dizaines de milliers de personnes des heures durant. Bien
que très encadrés par des associations étudiantes, des partis et des syndicats,
les manifestants n’étaient pour la plupart affiliés à aucune de ces
organisations très visibles. La présence massive des femmes était notable, tout
comme celle de la jeunesse étudiante et lycéenne. La plupart des manifestants
étaient contents de pouvoir exprimer au monde leur solidarité avec la
population palestinienne, avec des pancartes écrites en arabe et en anglais.
Les slogans les plus repris étaient « Free Palestine », « L’armée
et le peuple avec Gaza ». « Ouvrez les frontières, on va
libérer la Palestine ! » Seule une petite minorité des
manifestants se trouvait dans les cortèges des partis islamistes, où étaient
lancés des slogans antijuifs. Arrivés devant le Parlement, de jeunes supporters
du club de Bab el Oued ont repris un des slogans du mouvement de protestation
de 2019, le Hirak : « Vous avez pillé le pays, bande de
voleurs ! »
Avec les bombardements à Gaza, le
pouvoir algérien est sur le qui-vive, comme tous les dirigeants des pays
arabes. Les uns et les autres sont en fait plus inquiets des réactions au sein
de leur propre population que du sort des Gazaouis. En signe de deuil, le
gouvernement a décrété l’annulation de tous les festivals prévus et festivités
habituelles qui, chaque année autour du 1er novembre, commémorent le
déclenchement de la guerre d’indépendance en 1954.
Le gouvernement a surtout annulé
jusqu’à nouvel ordre la totalité des compétitions sportives. Un coup dur pour
les supporters de football, qui avaient confectionné d’immenses banderoles en
soutien à la Palestine, qu’il se préparaient à arborer lors des futurs matchs.
Instruit par l’expérience du Hirak, le pouvoir veut éviter que les lieux
culturels ou les stades deviennent des foyers de contestation et battent en
brèche les restrictions aux libertés qu’il continue, pour l’instant, à imposer.
Leïla Wahda (Lutte ouvrière n°2883)
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