jeudi 30 juillet 2020

Gisèle Halimi, la combattante courageuse, un article-hommage dans notre hebdomadaire Lutte ouvrière à paraître


Gisèle Halimi, une combattante

29 Juillet 2020

Depuis sa mort, mardi 28 juillet, tous les médias saluent en Gisèle Halimi une avocate qui fut une grande « féministe ». C’est une unanimité de louanges. Mais ils sont moins nombreux à rappeler qu’elle a aussi pris parti contre la colonisation.
Nous aussi saluons Gisèle Halimi, qui fut une combattante. Née en 1927, élevée dans un milieu juif tunisien traditionnel où l’on n’attachait guère d’importance à l’instruction des femmes et où on voulut la marier à 16 ans, elle a su se battre pour échapper à son sort, faire des études, et partir à Paris pour devenir avocate.
Elle n’avait même pas trente ans quand débuta ce qu’on appelle la guerre d’Algérie, c’est-à-dire en fait la lutte du peuple algérien pour son indépendance, quand l’Algérie était encore une colonie française. L’État français, avec à sa tête des gouvernements alternativement de droite, ou du centre avec Mitterrand, ou de gauche avec le socialiste Guy Mollet, mena une guerre implacable contre cette lutte légitime.
Dans cette période, plus d’un demi-million de jeunes Français ont été envoyés en Algérie au cours de leur service militaire, de 24 mois ou plus, jouer le rôle d’une armée d’occupation. On leur faisait mener des opérations dites de pacification qui consistaient à enlever ou à tuer tous ceux qui étaient soupçonnés d’être au FLN ou de l’aider. Des villages entiers furent détruits, leurs habitants tués ou rassemblés dans des camps.
Gisèle Halimi se spécialisa dans la défense des militants du FLN. Elle défendit en particulier une jeune militante, Djamila Boupacha, torturée et violée en prison par les militaires français. C’était prendre des risques que d’aller aider en Algérie les emprisonnés. Elle fut d’ailleurs menacée de mort par les tenants de l’Algérie française. Ce n’était pas une cause qui avait les faveurs de l’opinion publique et des médias, à une époque où même le Parti communiste français ne défendait pas l’indépendance de l’Algérie, mais seulement « La Paix en Algérie » et où les combattants FLN étaient présentés que comme de dangereux terroristes.
Nous ne discutons pas ici de la politique du FLN, que nous ne soutenions pas, tout en soutenant inconditionnellement la lutte du peuple algérien, mais du climat qui régnait à cette époque en France, et du courage d’une jeune femme qui fit ce qu’elle jugeait juste. Et à une époque où les femmes n’avaient pas encore officiellement le droit de travailler ou de posséder un compte en banque sans l’autorisation de leur mari !
Après l’indépendance de l’Algérie, Gisèle Halimi continua à combattre pour la cause des femmes. Dans un procès qui fit du bruit, celui dit de Bobigny en 1972, elle défendit une mère qui avait aidé sa fille à avorter. Car à cette époque, l’avortement était encore passible de prison. Le droit légal à la contraception n’existait alors que depuis peu, et des centaines de milliers d’avortements clandestins avaient lieu en France chaque année, avec tous les risques que cela impliquait pour les femmes concernées. La jeune fille fut relaxée, la mère condamnée à deux ans de prison avec sursis.
Ce procès fut une étape dans la longue lutte de bien des femmes et des hommes d’ailleurs, pour en finir avec la pénalisation de l’avortement et aboutir à la loi de 1975.
Elle participa ensuite au mouvement pour faire reconnaître le viol comme un crime, passible donc de la cour d’assises, et non plus comme un simple délit. Pendant le procès d’Aix-en-Provence, elle appela à la barre Arlette Laguiller, qui commençait à être connue, comme témoin non pas de ce viol, mais de la pression que subissaient au quotidien les femmes qui travaillaient.
Gisèle Halimi a choisi de combattre pour ce qu’elle estimait juste et a fait évoluer la loi, au début toujours à contre-courant dans un milieu réactionnaire, celui de « la justice », souvent à contre-courant dans l’opinion publique. C’était une femme courageuse.

                                                        Sylvie FRIEDMAN (Lutte ouvrière n°2713)
Gisèle Halimi et Djamila Boupacha, en avril 1962 à la maison centrale de Rennes, après l'amnistie de cette dernière. © AFP (copie BFMTV qui me pardonnera)

 

 

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