samedi 29 décembre 2018

Les révolutionnaires et le mouvement des Gilets jaunes. Un article de notre revue Lutte de Classe n°196 – décembre- janvier2019 (en feuilleton)






Ce texte est adapté d’une intervention faite au congrès de Lutte ouvrière, qui s’est tenu les 8 et 9 décembre dernier (voir ci-dessous, page 8), donc avant l’intervention télévisée de Macron le 10 décembre.

Au moment où le texte sur la situation intérieure a été écrit, début novembre, le mouvement des gilets jaunes était essentiellement virtuel. Il était impossible d’en prévoir le devenir et les conséquences. Mais sous la pression populaire, la situation politique et sociale change vite, et cela peut encore s’accélérer.

L’évolution récente du mouvement des Gilets jaunes

Nous l’avons dit, ce mouvement n’est pas d’une ampleur exceptionnelle. Si l’on en croit les chiffres du ministère de l’Intérieur (287000 manifestants le 17 novembre, 166000 le 24 novembre, 136000 le 1er décembre), il aurait même tendance à se tasser. Mais comme on la vu le 1er décembre, il est déterminé et explosif au premier sens du terme. Parce quil ny a pas dun côté les casseurs professionnels et de lautre les gentils gilets jaunes qui manifestent pacifiquement. Les juges qui ont procédé toute la semaine aux comparutions immédiates de ceux qui ont été arrêtés samedi ont dû se rendre à l’évidence. Au lieu de casseurs, de pillards ou de factieux, ils ont vu défiler à la barre des ouvriers, des artisans, des techniciens, des intérimaires, souvent venus de province.
Il y a de la révolte sociale et elle s’exprime aussi avec violence, le plus significatif dans le domaine n’étant pas forcément ce qui s’est passé sur les Champs-Élysées, mais par exemple au Puy-en-Velay et dans bien d’autres villes moyennes qui ont vu des barricades s’ériger pour la première fois depuis longtemps. Jusqu’à présent, et malgré la casse, le mouvement a conservé une large sympathie dans l’opinion publique. Cela peut basculer, mais jusqu’à présent ce mouvement reste très populaire.
Aussi limité soit-il, il est déjà riche d’enseignements pour nous. Nous répétons souvent que «les gens peuvent se mettre en branle sans prévenir, que ceux qui nont jamais fait grève, qui ne s’intéressent pas à la politique, peuvent se révolter». Eh bien, nous y sommes! Des gilets jaunes qui se mobilisent souvent pour la première fois de leur vie, et qui campent dehors depuis trois semaines, dans le froid et sous la pluie, ne veulent pas lâcher l’affaire malgré les concessions du gouvernement. Ils le disent eux-mêmes, le recul du gouvernement aurait peut-être calmé la situation il y a un mois. Aujourd’hui, c’est trop tard parce que les revendications ne se limitent plus aux taxes, elles englobent désormais l’ISF, la CSG ou le smic. Et plus ça dure, plus les gilets jaunes osent formuler leurs exigences, ne serait-ce que parce qu’ils ont pris confiance en eux.
Face à la dynamique de la mobilisation, le gouvernement a toujours un temps de retard: quand il fait enfin une concession, les masses exigent déjà quil en fasse plus. Tout cela se passe à une toute petite échelle, mais cela donne une idée de la façon dont les choses peuvent sapprofondir et saccélérer dans une période réellement révolutionnaire.
L’aspect frappant de cette mobilisation, c’est la détermination. Celles et ceux qui se mettent en bagarre pour la première fois de leur vie apparaissent bien plus déterminés que tous les dirigeants syndicaux réunis. Les traditions revendicatives que les organisations syndicales ont inculquées aux travailleurs – par exemple, les parcours de manifestation prévus en accord avec la préfecture, les AG où débarquent les chefs syndicaux que l’on ne voit jamais sur le terrain et qui apportent la bonne parole – toutes ces habitudes servent à canaliser la colère derrière les appareils syndicaux.

Et même lorsque les travailleurs du rang sont en désaccord avec ce que les organisations syndicales proposent ou ne proposent pas, il leur est difficile de faire sans elles. De fait, en ce moment, ce sont les catégories les plus éloignées des tutelles syndicales qui font preuve de la plus grande combativité. 
Depuis le début, il y a une importante limite numérique à ce mouvement: le plus grand nombre est resté passif et s’est contenté d’un coup de klaxon pour saluer les gilets jaunes. Le mouvement va-t-il tenir? La dramatisation du gouvernement sur la violence, avec la psychose quil entretient depuis quelques jours, aura-t-elle refroidi les ardeurs des gilets jaunes? Y aura-t-il des violences? Quelles en seront les conséquences sur le mouvement lui-même et sur la politique du gouvernement? Tout cela, nous le saurons dans les prochains jours. 

… A suivre demain

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