lundi 9 juillet 2018

Grève des cheminots : un bilan… seulement d’étape


La détermination est toujours là 

 « On est là, on est là, même si vous ne le voulez pas, nous, on est là » … ce refrain, les cheminots l’ont scandé à tue-tête dans les manifestations interprofessionnelles du 28 juin, narguant tous les politiciens et journalistes qui misaient sur leur démoralisation. D’après la CGT, 10 000 cheminots ont manifesté ce jour-là dans le pays. Ainsi à Paris, plus de 1 200 cheminots étaient présents dans un cortège de tête dynamique. Autant dire que les cheminots ne rendent pas les armes.
La grève reste forte

Le 28 juin, dernier jour du calendrier initial de l’intersyndicale, la participation à la grève restait à un niveau important : 17,7 % à l’exécution, 36,2 % chez les conducteurs et 34,2 % chez les contrôleurs, d’après les chiffres de la direction, alors que c’était le 36e jour de grève.
Les assemblées générales, même peu fournies, ont souvent voté la grève pour les 6 et 7 juillet, à l’appel de la CGT et de Sud-Rail, la CFDT et l’UNSA s’étant retirés du mouvement.
Nombre de cheminots veulent « maintenir les braises » en organisant des actions cet été, en vue de la rentrée. Mais les discussions et les assemblées sont aussi l’occasion de tirer un premier bilan de la grève. Les cheminots s’interrogent sur la force du mouvement, mais aussi ses faiblesses et les raisons pour lesquelles il n’a pas fait reculer le gouvernement.
Il y a d’un côté la fierté d’avoir participé à un des plus importants mouvements de grève à la SNCF, par le nombre de grévistes qu’il a entraînés et par sa durée. Les cheminots ont en effet, sans aucun corporatisme, montré à tous qu’il est possible de relever la tête, de s’organiser et de faire grève pour défendre ses droits et sa dignité de travailleur. Et cela comptera pour l’avenir.
Mais il y a aussi la déception, en particulier de ceux qui avaient cru au discours de l’intersyndicale, prétendant que l’on pouvait gagner en économisant ses forces, grâce au procédé innovant de la grève dite perlée, de deux jours sur cinq, censée, comme la grille de Loto, ne pas coûter cher et rapporter gros. Ce procédé permet peut-être de durer, mais pas de vaincre. Car pour l’emporter, il faut se faire vraiment craindre, non seulement du gouvernement, mais de la bourgeoisie. Il faut donc mobiliser au maximum l’énergie des grévistes et s’appuyer sur la dynamique d’un mouvement, sur les secteurs les plus mobilisés afin de chercher à entraîner les autres, à propager la grève et mettre le feu à la prairie.
Des leçons à tirer

Or, qu’elle ait été possible ou non, l’intersyndicale n’avait pas la volonté de déclencher une telle dynamique. Ce n’est pas surprenant, c’est au contraire dans l’ADN des directions syndicales : elles souhaitent défendre leurs intérêts d’appareil, être reconnues comme interlocuteurs par le patronat et le gouvernement afin de garantir leurs moyens d’existence. Dès lors, loin d’être un moyen de vérifier pas à pas l’état de mobilisation pour chercher à l’approfondir, le calendrier de grève avait comme objectif d’accompagner celui des négociations avec le gouvernement.
Le poids et l’influence de la CGT à la SNCF lui ont permis d’assumer la direction du mouvement. Les autres syndicats l’ont de fait suivie, la CFDT et l’UNSA bien malgré elles en raison du mépris affiché du gouvernement à leur égard. Mais c’était aussi le cas de Sud-Rail, qui a tout autant joué le jeu de ces fausses négociations et tenait à rester dans le cadre de l’intersyndicale. Ainsi dès le 23 mars, ces quatre fédérations réclamaient, non pas le retrait du pacte ferroviaire, mais l’ouverture de négociations sur la base de huit points comme la reprise de la dette, la relance du ferroviaire etc.
La principale limite du mouvement a été ce cadre soigneusement fixée par les organisations syndicales, que les cheminots n’ont pas débordé. La grève est devenue pour beaucoup une grève à la carte, elle-même marquée par une disproportion entre le nombre de grévistes et celui des participants aux assemblées et aux piquets : beaucoup de cheminots faisaient grève chez eux, hormis quelques temps forts. Pour gagner, il faudra qu’à l’avenir, les grévistes participent activement à leur grève et ne s’en remettent pas aux seules intersyndicales pour assurer leur unité. L’élection de comités de grève, la mise en place d’une direction démocratique de la grève chargée de mettre en œuvre les décisions des assemblées, seront indispensables.
Tous les cheminots savent que cette lutte n’est qu’un début, car la direction de la SNCF et le patronat du secteur ferroviaire vont devoir leur imposer dans la pratique la régression prévue dans le pacte ferroviaire. Et vu la haine croissante que suscite la politique antiouvrière du gouvernement, l’extension de la riposte à d’autres secteurs du monde du travail, que souhaitaient ardemment les cheminots, sera peut-être possible. C’est en tout cas ce qu’il faudra viser.

                                                Christian BERNAC (Lutte ouvrière n°2605)



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