jeudi 31 mai 2018

Grève des cheminots, le point sur le mouvement après deux mois. Un article de notre hebdomadaire Lutte ouvrière à paraître



Le bras de fer continue
La direction de la SNCF, largement relayée par les médias, a continué la campagne de désinformation qu’elle alimente depuis le premier jour : « Épilogue en vue », selon Challenges, « la mobilisation s’essouffle », pour Le Figaro. Pourtant les 28 et 29 mai, deux mois après le lancement du mouvement de grève, celui-ci tenait toujours bon. 

Si la participation aux assemblées générales était souvent moins fournie que précédemment, le nombre de grévistes se maintenait. Ainsi mardi 29 mai, d’après la SNCF elle-même, ce chiffre était, tous collèges confondus, de 14,4 %, c’est-à-dire exactement le même pourcentage que le mercredi 9 mai, trois semaines plus tôt. Hormis le 14 mai, « journée sans cheminot », avec une mobilisation exceptionnelle, ce chiffre est stable depuis trois semaines à l’échelle nationale. Il en va de même pour les deux catégories les plus mobilisées : les agents de conduite, en grève à 51,4 % le 29 mai (53 % le 9 mai), et les contrôleurs, en grève à 46,7 % (45,5 % le 9 mai). À l’exécution, le pourcentage varie de 22 à 25 % sans fléchissement. 

Le maintien du nombre de grévistes signifie aussi que si certains reprennent le travail tel jour ou telle semaine, ils sont remplacés par d’autres sur le front de la grève. En tout, celle-ci a mis en branle des dizaines de milliers de cheminots et le nombre de participants au Vot’action contre le pacte ferroviaire, les deux-tiers des cheminots, soit 90 000, en est sans doute un bon reflet. 

Surtout, malgré la fatigue, malgré les retenues sur salaires, malgré la désinformation, beaucoup font preuve d’une détermination exemplaire, participant à tous les jours de grève du « calendrier » et parfois au-delà comme lors des journées du 22 mai avec les fonctionnaires ou du samedi 26 pour participer aux manifestations. Organisant des piquets de grève et des tournées, participant aux assemblées, allant s’adresser aux travailleurs d’autres entreprises, participant avec enthousiasme aux diverses actions et manifestations, ces milliers de cheminots sont le cœur battant de la grève, une fraction consciente de mener, quel qu’en soit le résultat final, une lutte indispensable pour leur propre avenir et celui de leur classe sociale.

Les manœuvres du gouvernement 

L’annonce de la reprise de 35 milliards de dette de SNCF Réseau, présentée en fanfare comme un cadeau aux cheminots, a été reçue dans leurs assemblées pour ce qu’elle est : une manœuvre. Les cheminots ne sont en rien concernés par cette dette, creusée pour alimenter les coffres forts des bétonneurs et des banquiers. 

De la même façon, les amendements retenus en commission du Sénat concernant le transfert des cheminots au privé, ne font que confirmer le chantage au licenciement. Ainsi le refus du salarié, qui est affecté au moins à 50 % dans le service concerné, « constitue le motif de la rupture de son contrat de travail, qui est prononcée par le cessionnaire et prend effet à la date effective du changement d’attributaire ». S’il est affecté à moins de 50 % dans le service privatisé, la SNCF lui fera « une offre d’emploi disponible situé dans la même région ou, à défaut, situé sur le territoire national dans l’entreprise », en clair à l’autre bout du pays. En cas de refus, il sera licencié moyennant une indemnité à fixer en conseil d’État. 

Alors, quels que soient les débats au Sénat, et si certains dirigeants syndicaux ont laissé entendre qu’ils pourraient sortir du mouvement à cette occasion, ce n’est absolument pas le sentiment des grévistes. Il est clair qu’il n’y a aucun recul gouvernemental et c’est au contraire la destruction de leurs conditions de travail et de leur emploi qui est programmée par ce pacte ferroviaire. 

Bon nombre de cheminots savaient dès le début que la lutte serait difficile. Elle l’est. Mais en contestant depuis deux mois, avec leurs armes de classe, la politique du gouvernement, ils font la preuve que, loin d’être tout puissants, les bourgeois et politiciens sont incapables de se passer des travailleurs pour faire fonctionner l’économie. Plus le mouvement dure, plus cette démonstration peut pénétrer la conscience de millions de travailleurs. Personne ne connaît aujourd’hui l’issue de cette lutte, mais en tout cas, elle ne peut que hâter celle, plus générale, du monde du travail. Alors vive la lutte des cheminots !

                                             Christian BERNAC (Lutte ouvrière n°2600)


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