lundi 19 mars 2018

Grève SNCF de 1995, petit retour en arrière


   La grève de 1995 : un mauvais souvenir pour le patronat 

 « Macron doit réussir en 2018, là où Juppé a échoué en 1995 », reprennent en chœur les éditorialistes propatronaux qui n’ont pas digéré la victoire des millions de travailleurs mobilisés contre le plan Juppé, à l’automne 1995.


Premier ministre de Chirac, élu à l’Élysée en mai 1995, Alain Juppé s’affirmait « droit dans ses bottes », déterminé « à réussir ce qu’on n’a pas osé entreprendre depuis trente ans ». À quelques jours d’intervalle, il annonçait deux séries de réformes. L’une consistait à attaquer frontalement les travailleurs du secteur public, gelant leurs salaires et passant de 37,5 à 40 le nombre d’années nécessaires pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein. Les régimes spéciaux de retraite étaient supprimés. Les cheminots étaient particulièrement visés par les attaques contre leurs retraites et par un plan État-SNCF programmant des fermetures de lignes et des suppressions de milliers d’emplois, sous prétexte, déjà, d’apurer la dette. L’autre réforme visait le financement de la Sécurité sociale, avec la création d’impôts nouveaux, la hausse du forfait hospitalier et la remise en cause de sa gestion paritaire.
Après une campagne des centrales syndicales, très hostiles à ces plans qui les écartaient de la gestion de la Sécurité sociale, et des journées de mobilisation réussies en octobre et novembre, une grève massive démarrait le 24 novembre à la SNCF, puis à la RATP, à l’appel de tous les syndicats. Les cheminots et les salariés des transports publics, en grève « jusqu’au retrait du plan Juppé », furent l’épine dorsale d’une lutte qui entraîna à des degrés divers les travailleurs de La Poste, d’EDF, d’autres services publics et de l’enseignement. Ils furent rejoints ponctuellement par ceux du privé, lors de journées de manifestations rapprochées les unes des autres, organisées par les directions syndicales dans de multiples villes du pays, au cours desquelles les manifestants, sous le slogan « Tous ensemble, tous ensemble ! », pouvaient mesurer leur force collective. Notons en passant que les directions syndicales, en premier lieu celle de la CGT, sont tout à fait capables de mobiliser les travailleurs quand elles le décident.
Comme aujourd’hui, Juppé et les médias lancèrent une campagne de dénigrement des cheminots, présentés comme des privilégiés. Ils tentèrent de dresser les usagers, « pris en otage » par la paralysie des transports, contre les grévistes. Mais rien n’y fit. Malgré une gêne bien réelle, surtout en Île-de-France, la grève était populaire. Une majorité de travailleurs comprenaient qu’une défaite de Juppé face aux cheminots et aux traminots serait une victoire de tous. Ce soutien du monde du travail aux secteurs en grève, appelé par certains « la grève par procuration », fut décisif. Devant l’ampleur du mouvement et sa popularité, Juppé dut céder. Le 12 décembre, après une nouvelle journée de manifestations rassemblant quelque 2,5 millions de personnes, il annonçait son recul sur la retraite des fonctionnaires et le maintien des régimes spéciaux.
Ce fut une victoire des grévistes, prouvant que la classe ouvrière a la force, quand elle se mobilise, de faire reculer un gouvernement prétendument inébranlable. Cet épisode continue, vingt-trois ans plus tard, de hanter les porte-parole du patronat. C’est la preuve qu’ils redoutent la lutte des cheminots. Cela doit être un encouragement pour tous les travailleurs.

                                             Xavier LACHAU (Lutte ouvrière n°2589) 

Le 22 mars, comme un début, on redresse la tête

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