vendredi 27 octobre 2017

Burkina Faso : octobre 1987, Thomas Sankara était assassiné


Il y a trente ans : l’assassinat de Thomas Sankara

Le 15 octobre 1987, le capitaine Thomas Sankara, au pouvoir à la tête du Burkina Faso depuis 1983, était assassiné par les troupes de son « ami » Blaise Compaoré. Ce coup d’État mettait un terme à quatre brèves années d’un régime qui affirmait vouloir moderniser le pays, combattre la corruption et s’émanciper de la tutelle de l’impérialisme français.
Trente ans plus tard, la veuve de Sankara continue de se battre pour connaître les responsables de ce coup d’État. Au Burkina Faso, Blaise Compaoré a certes été chassé du pouvoir en 2014 par une révolte populaire après 27 ans de dictature. Mais l’actuel président Kaboré et de nombreux ministres étaient en place sous Compaoré. Complices, ils n’ont aucune envie que la vérité soit connue.
Malgré les promesses répétées de Hollande, les archives françaises restent inaccessibles au nom du secret défense. Et pour cause ! Tout indique que les réseaux de la Françafrique ont orchestré l’assassinat de Sankara.
Ainsi François Mitterrand, en visite à Ouagadougou, déclarait un an avant le coup d’État : « Ce jeune président dérange [...] Il empêche de dormir [...] Il a le tranchant d’une belle jeunesse » mais « il tranche trop, il va plus loin qu’il ne faut. »
Mitterrand reprochait à Sankara de dénoncer publiquement la politique néo-coloniale de la France dans ses anciennes colonies. Il lui reprochait d’afficher ouvertement son mépris pour les chefs d’État africains corrompus à commencer par Houphouët-Boigny, dictateur de la Côte d’Ivoire voisine et gendarme de la France dans cette partie de l’Afrique.

Un officier tiers-mondiste

Sankara n’était pas arrivé au pouvoir en s’appuyant sur la mobilisation des classes populaires et il n’était pas communiste. C’était un jeune officier de l’armée, révolté comme d’autres de sa génération par la misère et la corruption qui sévissait dans son pays. Nourri par les idées tiers-mondistes de l’un de ses professeurs, nommé à la tête du centre d’entraînement des commandos de l’armée, Sankara allait entreprendre de former des « soldats citoyens ». Avec d’autres jeunes officiers, il organisa le 7 novembre 1982 un coup d’État contre Saye Zerbo, ancien parachutiste de l’armée française durant les guerres d’Indochine et d’Algérie. Puis, en août 1983, Thomas Sankara et Blaise Compaoré écartèrent du pouvoir l’aile modérée de leur mouvement.
Dans son discours d’orientation politique, Sankara affirmait vouloir sortir le pays du Moyen-âge, ouvrir des écoles pour lutter contre l’analphabétisme, permettre l’accès des femmes à l’éducation et à la culture, développer des campagnes de vaccination. Un tel programme n’était pas réalisable dans un pays pauvre au budget dérisoire, et subissant la domination impérialiste sur l’Afrique. Tenter d’en finir avec celle-ci n’était pas la perspective de Sankara. Mais il mit ses actes en accord avec ses paroles, rompit avec les pratiques de tous ses prédécesseurs pour réserver l’essentiel des ressources du pays à la population.

La lutte contre la corruption

Sankara fit de la lutte contre la corruption le marqueur de son régime. L’une de ses premières mesures fut de changer le nom du pays, la Haute Volta, en Burkina Faso, autrement dit le Pays des hommes intègres. Tandis que les chefs d’État africains mesuraient leur pouvoir à la taille de leurs limousines, Sankara et ses ministres circulaient en Renault Cinq et voyageaient dans les classes économiques des avions de ligne. Ces pratiques, symboliques, tranchaient avec la corruption généralisée en Afrique. Elles ont contribué à l’estime et à l’image dont bénéficie encore Sankara parmi les classes populaires et la jeunesse africaine, bien au-delà du Burkina.
Mais de tels mœurs étaient un camouflet pour les acteurs de la Françafrique. Ils démontraient que l’on pouvait gouverner un pays sans rançonner sa population. Le président ivoirien Houphouët-Boigny, avec l’aval sinon sur ordre de Mitterrand et Chirac à Paris, poussa Blaise Campaoré à abattre Sankara.
L’exécution de Sankara montre que les puissances impérialistes ne toléreront jamais un régime un tant soit peu indépendant s’il ne s’appuie pas sur une forte mobilisation populaire. Elle montre surtout que les exploités ne pourront pas sortir du sous-développement sans remettre en cause la domination impérialiste sur l’Afrique et sur le monde, autrement dit sans renverser le capitalisme.

                                                    Xavier LACHAU (Lutte ouvrière n°2569)



1 commentaires:

FrédéricLN a dit…

Arrivé au Burkina début septembre 1987, j'ai vu une seule fois Thomas Sankara, un instant. Bloqué par une barrière de police, avec d'autres passants, à un carrefour avec le boulevard de la Révolution (ex-avenue de l'Indépendance), celui qui mène à la Présidence de l'époque, et me demandant pourquoi ce barrage, j'ai vu passer un cortège avec une 205 noire (eh oui, pas une R5 ! même si l'Histoire a bien retenu la R5). L'avant-bras passé par la fenêtre ouverte, Thomas Sankara saluait amicalement, avec son grand sourire, nous autres passants arrêtés. Les gens autour de moi répondaient, mollement. J'en retiens un sentiment de bienveillance et de fatigue. Voilà, je n'ai croisé le capitaine et président Sankara qu'une ou deux secondes, juste assez pour confirmer qu'il se passait avec bonne humeur des limousines climatisées :-)

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