jeudi 10 août 2017

La Révolution russe de 1917 (6) : l'émergence d'un nouveau pouvoir


Comités d’usines, soviets, le pouvoir ouvrier

En avril 1917, un peu plus d’un mois après la victoire de la révolution à Petrograd et l’abdication de Nicolas II, les travailleurs s’organisent de plus en plus indépendamment du gouvernement provisoire, et bien souvent contre la volonté de celui-ci. Des comités sont élus au niveau des ateliers, des usines, des quartiers ouvriers et des villes. Ce sont des lieux de débat où chacun peut s’exprimer et apprendre, mais également des instances de décision où s’affirment la puissance et la conscience de la classe ouvrière.
Un ouvrier rapporte comment le soviet de sa ville, Saratov, située à 850 km au sud-est de Moscou, est mis en place et étend son influence : « Il y a cinq jours que le soviet des députés ouvriers et soldats s’est organisé ici. Mais il semble que plusieurs années se soient écoulées ici. Tout a changé. Les masses se sont organisées dans un élan de spontanéité remarquable. Un travail fébrile règne partout. Les derniers vestiges de ce passé à la fois récent et lointain s’écroulent. On édifie et on construit une nouvelle vie, un nouvel ordre. (…) Le soviet des députés ouvriers s’est organisé en 24 heures. À la première réunion, il y avait déjà des représentants de 49 entreprises, soit 88 personnes. À l’heure actuelle, on peut dire que toutes les entreprises de Saratov sont représentées au soviet : 213 représentants de 79 entreprises. L’influence du soviet ne cesse d’augmenter.(…) Le soviet compte aujourd’hui 44 représentants de soldats.(…)
Peu après, des informations nous sont parvenues, selon lesquelles les paysans des villages environnants étaient en train d’élire leurs représentants au soviet des députés ouvriers. Des délégués des villes de la région commencent à arriver. Ainsi, en cinq jours, le soviet est devenu une organisation importante, exerçant une influence des plus sérieuses sur la vie environnante et sur les décisions à prendre dans l’intérêt de la révolution. (…) la liberté de parole, de réunion et de presse devient une réalité. Des meetings ont lieu chaque jour dans les théâtres, les salles de conférence, etc. Des tracts ont été distribués aux soldats, à la population, aux ouvriers, avec pour mot d’ordre : l’Assemblée constituante et la République démocratique. En un instant, des milliers de tracts ont été épuisés. Le journal Izvestia des députés ouvriers est tiré à un grand nombre d’exemplaires. Et le comité exécutif a reçu des demandes de littérature politique de la part de diverses localités de Saratov. »
Une des premières mesures de ces soviets est la constitution d’une milice, dont les anciens fonctionnaires de police sont exclus. Partout, et sans attendre, les travailleurs tentent en effet d’imposer leurs propres décisions et « l’autogouvernement des usines ». Ainsi, dans la fabrique de câbles de Petrograd, le comité ouvrier est doté des pouvoirs suivants :
« Autoriser les travaux supplémentaires ; organiser l’élection des représentants ouvriers aux chambres de conciliation ; surveiller les conditions sanitaires de l’usine ;
Contrôler l’embauche et le licenciement des ouvriers ; établir des rapports avec les ouvriers des autres usines ; organiser des réunions ;
Défendre les intérêts des ouvriers auprès de l’administration ; régler avec l’administration les problèmes des salaires ; organiser avec elle des accords sur les questions de congé ;
Représenter les travailleurs auprès de l’administration dans toutes les questions d’intérêt général, les ouvriers ne devant pas s’adresser individuellement à elle. »
Un militant ouvrier, récapitulant les revendications des 15 000 mineurs de l’Oural, s’en fait le porte-parole : « Tout en soutenant le gouvernement provisoire, il faut compter avec le fait qu’il est composé de bourgeois. Il ne peut satisfaire les exigences du peuple révolutionnaire que si l’on fait pression sur lui et avec plus de poids. Il faut tout de suite surveiller les écarts de sa politique dans un sens bourgeois. »

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