jeudi 7 juillet 2016

Lanceurs d'alerte : félicités du bout des lèvres, mais surtout condamnés. Un article de notre hebdomadaire Lutte ouvrière à paraître



Lanceurs d’alerte condamnés : le secret est bien gardé

Le tribunal du Luxembourg a condamné deux lanceurs d’alerte, Antoine Deltour et Raphaël Halet, à douze mois de prison avec sursis et 1 500 euros d’amende pour l’un, et à neuf mois de prison avec sursis et 1 000 euros d’amende pour l’autre.
         Ces deux anciens employés d’un cabinet d’audit, ainsi qu’un journaliste de l’émission Cash investigation qui, lui, a été acquitté, étaient poursuivis pour avoir rendu publics des centaines d’accords fiscaux confidentiels passés par le fisc luxembourgeois avec des multinationales, dont Apple, Amazon, Heinz, Pepsi, Ikea et Deutsche Bank, permettant leur exil fiscal. Ces révélations avaient provoqué un vaste scandale, le Luxembourg Leaks (Luxleaks), touchant jusqu’à Jean-Claude Junker, ancien Premier ministre luxembourgeois et actuel président de la Commission européenne.
         Les deux lanceurs d’alerte avaient été hypocritement félicités par nombre de dirigeants politiques européens, qui faisaient mine de découvrir que le Luxembourg était un paradis fiscal. En France, en avril dernier lors de l’ouverture du procès, Sapin, le ministre des Finances, avait même témoigné sa « solidarité » aux deux accusés, avant de rendre hommage, sous les applaudissements de l’Assemblée nationale, à Antoine Deltour.
         Mais la solidarité de ce ministre ne l’a pas conduit pour autant à faire figurer dans la loi sur la transparence, dite Sapin 2, un article interdisant aux entreprises de licencier ou de poursuivre les lanceurs d’alerte.
         Le tribunal du Luxembourg lui-même a souligné que les lanceurs d’alerte avaient « agi dans l’intérêt général et contre des pratiques d’optimisation fiscale moralement douteuses », mais cela ne l’a pas empêché de les condamner.
         La justice, au Luxembourg comme ailleurs, défend avant tout les règles de la société capitaliste. Même assorti de sursis, le message envoyé par le tribunal à travers ce verdict est clair : on ne touche pas au secret des affaires ! Que tous les lanceurs d’alerte potentiels se le tiennent pour dit.
                                        
                                        Jacques Le Gall (Lutte ouvrière n°2501)

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