Les
éleveurs défendent leurs intérêts, les travailleurs doivent défendre les
leurs !
En multipliant les barrages et
les actions choc devant les supermarchés, les éleveurs ont forcé le
gouvernement à intervenir. Ce dernier a débloqué un plan d’urgence de 600
millions et s’est vu obligé de hausser le ton contre les industriels et la
grande distribution pour qu’ils revalorisent le prix payé aux éleveurs.
Les mastodontes
de la distribution, de la laiterie et de l’abattage s’exécuteront-ils ? Si
oui, pendant combien de temps respecteront-ils leurs engagements ? Tout
dépendra du rapport de force et de la pression que les éleveurs arriveront à
maintenir à travers leur mobilisation.
Mais
démonstration est faite : les seules catégories populaires que l’on écoute
sont celles qui se battent, et la seule façon de contrebalancer la rapacité des
grands groupes capitalistes est la mobilisation collective. Et les travailleurs
ont, de leur côté, bien des raisons de se battre. Pour que la bourgeoisie
s’enrichisse toujours plus, la classe ouvrière est condamnée à plus
d’exploitation, de chômage et de misère. Eh bien, il faut qu’elle sache
elle-aussi s’organiser et lutter pour défendre ses conditions
d’existence !
Les
éleveurs ont raison de se battre, parce que personne ne le fera à leur place.
Et face à Auchan, Carrefour ou Leclerc et aux capitalistes de l’agroalimentaire
que sont les Bigard, Lactalis et autres Danone, leur résistance ne peut
qu’attirer la solidarité des salariés. Mais les intérêts des éleveurs ne sont
pas ceux de la classe ouvrière. Ils représentent une autre catégorie sociale
avec d’autres perspectives.
Les
éleveurs ont un pied dans le monde du travail et un autre dans celui de la
bourgeoisie. Par bien des aspects, les plus pauvres d’entre eux ont des
conditions de vie proches de celles des ouvriers. Les plus riches, à l’image du
président de la FNSEA, sont à la tête de véritables usines agricoles et
appartiennent au grand patronat. Mais tous, en tant que propriétaires,
défendent le marché, la concurrence et l’ordre capitaliste.
En
dénonçant les marges des vautours de l’agroalimentaire et le diktat qui leur
est imposé, les éleveurs mettent en lumière un aspect révoltant du
capitalisme : la domination des gros sur les petits. Ils montrent que,
dans la jungle capitaliste, ce sont les plus parasites, les financiers et les
gros industriels, qui écrasent ceux qui sont les plus utiles à la production,
les éleveurs, les petits artisans et commerçants.
Mais les
éleveurs ne visent pas à contester cet ordre, ils visent à s’y faire une place
et à conforter leur propriété. Même si, pour nombre d’entre eux, cette
propriété se transforme en endettement à vie et fait planer la menace de la
faillite et de l’expropriation – expropriation dont nombre de petits paysans
ont déjà été victimes. Même si leur libre entreprise les transforme en
quasi-salariés des grands groupes de l’agroalimentaire.
L’ironie
de la situation veut que les agriculteurs, prompts à dénoncer avec les
politiciens de droite, les ouvriers qui ne travaillent que 35 heures, les
fonctionnaires qui coûtent cher, l’État trop dépensier, demandent aujourd’hui
une intervention et une régulation par l’État. Alors qu’ils rejettent les
contraintes qui pèsent sur eux, ils veulent en imposer pour les capitalistes
au-dessus d’eux.
Il est
aussi significatif d’entendre les plus gros éleveurs demander, une fois de
plus, une baisse des charges sociales pour être plus « compétitifs »
dans la concurrence internationale et pour pouvoir plus exporter… tout en
protestant contre les importations !
Et
certains osent proposer une augmentation des prix pour le consommateur, comme
si la viande et le lait n’étaient pas déjà assez chers pour les classes
populaires !
Alors
oui, nous vivons dans une économie injuste et folle où les capitalistes
rentiers riches à milliards broient l’ensemble des classes travailleuses. La
classe ouvrière et la petite bourgeoisie peuvent se retrouver dans le combat
contre le grand capital et les banques. Mais les seuls qui ont intérêt à
détruire cet ordre social, ce sont les travailleurs salariés. Car ils sont les
seuls à vouloir supprimer la propriété privée des moyens de production, les
seuls à n’être rattachés en rien au monde des possédants.
Le
nombre, l’activité et l’intérêt commun de la classe ouvrière en font la seule
force sociale capable de combattre la domination de la bourgeoisie et de
réorganiser l’économie sur des bases collectives et planifiées. En menant leur
propre combat, les travailleurs se libèreront de l’exploitation et ils
libèreront du même coup toute la société de la domination d’une minorité
parasite qui la mène à la catastrophe.
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