Un article (http://www.nathalie-arthaud.info/) que nous reprenons totalement à notre compte (PC et DM)
L’Internationale
sera le genre humain
"Au-delà
de l’horreur des faits eux-mêmes, il y a une des conséquences du drame de
Toulouse qui risque fort d’empoisonner une campagne qui vole déjà bien bas.
J’entends déjà la droite et l’extrême droite se jeter comme des charognards
sur cette terrible actualité pour distiller leurs mensonges et leurs stupidités
xénophobes. Avec pour résultat que toute cette fin de semaine, j’ai été
interrogée encore et encore par les journalistes sur le « danger salafiste »
en France. Les sorties de Marine Le Pen ont apparemment porté leurs fruits.
Je
trouve insupportable de profiter de ce drame pour relancer un débat sur
l’immigration. Dès le début des événements, j’ai dénoncé les arrière-pensées
électorales des candidats face à la tuerie de Toulouse. Eh bien, les faits
n’ont pas mis longtemps à me donner raison ! Les voilà qui se servent,
sans vergogne, des enfants tués devant l’école Ozar Hatorah pour distiller
leur venin nationaliste – dans le but, encore, toujours, de diviser, de
creuser un fossé entre les travailleurs.
Alors,
face à ce déferlement attendu de stupidité xénophobe, je tiens plus que
jamais à affirmer mon internationalisme. À affirmer l’idée que pour moi,
la seule division réelle qui existe dans la société n’est pas entre les peuples
mais entre les classes sociales, entre les riches et les pauvres, entre les
exploiteurs et les exploités, quelle que soit leur nationalité.
La
plupart des candidats entament leurs discours en donnant du « chers
compatriotes », quand ce n’est pas « Françaises, Français ».
Moi, comme l’a fait Arlette Laguiller pendant toutes les années où elle a
représenté Lutte ouvrière, je démarre toujours par « Travailleuses, travailleurs »
Ce n’est pas, comme le disent bon nombre de journalistes, une « marque
de fabrique » – c’est-à-dire une espèce de « truc de com’ » –
mais l’expression de convictions profondes : il y a un certain nombre
de « Français » auxquels je n’ai aucune envie de m’adresser (ils
s’appellent, par exemple, Vincent Bolloré, Martin Bouygues, Robert Peugeot,
Liliane Bettencourt, Bernard Arnault, etc.) ; et à l’inverse, il y a dans
ce pays des millions de personnes à qui j’ai bien des choses à dire mais qui
ne sont nullement « Français » : ce sont les travailleurs
immigrés.
C’est
cela, entre autres, que signifie être « internationaliste ».
Pour moi, la division essentielle qui marque la société ne se fait pas sur la
nationalité, mais sur la classe sociale à laquelle on appartient.
L’idée
qu’il y aurait une communauté d’intérêt, une solidarité naturelle, entre
les personnes partageant la même nationalité, cache toujours un piège
pour les travailleurs. Les appels à la solidarité nationale retentissent
toujours avec d’autant plus de force que la situation est critique et dangereuse :
lors des guerres, et lors des crises.
Lors
des guerres, par exemple lors des deux guerres mondiales du XXe siècle, on
a fait vibrer la corde de la « patrie en danger » pour envoyer les
travailleurs au massacre – les travailleurs français aussi bien que les
travailleurs allemands, et tant d’autres. Déjà à l’époque, bien sûr, les dirigeants
de la société, les médias, les partis politiques, expliquaient que toute la
« communauté nationale » devait participer à l’effort de
guerre. Au final, « l’effort de guerre » a été partagé… à la manière
qu’affectionnent les bourgeois : pour les travailleurs, des millions
de morts et de blessés et des souffrances sans nom. Pour les patrons, de
gigantesques bénéfices réalisés sur les commandes de guerre.
Et
il en va de même de la crise que nous traversons : les Sarkozy et les
Hollande n’ont à la bouche que « l’intérêt national », que
« la nécessité pour le pays de payer ses dettes ». Mais ces gens-là
n’utilisent ces termes que pour tromper leur monde. Ils savent très bien,
eux, que lorsqu’ils disent « nécessité pour le pays de payer ses
dettes », il faut entendre : « nécessité pour les classes
populaires de ce pays de payer les dettes contractées au profit de la grande
bourgeoisie. »
L’extrême
droite a toujours fait du patriotisme et du nationalisme son fonds de commerce.
Mais, depuis des décennies, la gauche fait de même. Le Parti socialiste, puis
le Parti communiste, ont chacun leur tour cédé aux sirènes du patriotisme,
du chauvinisme ridicule, des hommages à Jeanne d’Arc et autres balivernes.
Au point que le nationalisme affiché par les dirigeants de gauche ne choque
aujourd’hui plus grand-monde : il n’y a qu’à écouter Jean-Luc Mélenchon et
ses hommages, répétés à chaque meeting, à « notre patrie ».
On
en oublierait presque que le mouvement ouvrier, à ses débuts, s’est fondé
sur le rejet absolu de tout nationalisme, sur l’idée que les travailleurs
n’ont justement pas de patrie, sur un combat sans relâche pour défendre la
solidarité internationale des travailleurs. « Prolétaires de tous
les pays, unissez-vous ! », disait déjà le Manifeste communiste de
1848 : les travailleurs du monde entier ne forment qu’une seule classe
sociale, les ouvriers et les ouvrières du bout du monde, qu’on cherche à nous
présenter comme des concurrents – quand ce n’est pas comme des ennemis –
sont nos frères et nos sœurs ! Et nos ennemis, nos pires ennemis, c’est
dans ce pays qu’ils se trouvent : ce sont les capitalistes français.
À
la fin des meetings de Lutte Ouvrière, on ne chantera jamais la Marseillaise – comme
le font le Parti Socialiste ou le Front de gauche. Parce que la Marseillaise n’a,
aujourd’hui, plus rien à voir avec ce qu’elle a été il y a deux siècles :
le chant de la révolution française. Elle est aujourd’hui ce que je déteste
le plus, c’est-à-dire un chant patriotique, un chant qui exprime le poison
nationaliste, le chant qu’on entonne dans les défilés militaires… et dans
les meetings du Front national.
Je
laisse bien volontiers aux militaires et à l’extrême droite les chants
patriotiques, où l’on veut abreuver ses sillons avec du « sang
impur ». Mes camarades et moi, nous gardons L’Internationale, l’hymne
des travailleurs, le chant de la révolution internationale, le chant qui
dit qu’un jour « l’Internationale sera le genre humain » !"